Ce roman choral est construit en alternant les points de vue de plusieurs personnages, dont celui de Tessa, soeur d'Ashby Santoso, le capitaine du Voyageur, et on la voit recevoir le message de son frère la rassurant après l'escarmouche avec les Torémis. C'est là le seul véritable lien avec L'espace d'un an. L'auteure continue à nous présenter dans le détail les différentes espèces découvertes par le lecteur dans le premier tome. Dans cet opus, c'est le tour des Harmagiens, que l'on avait très peu vus jusqu'à présent, et dont une représentante joue ici un rôle important, qui permet à l'auteure de traiter du thème du racisme (en l'occurrence, du spécisme !) et de la différence comme facteur à la fois de progrès et d'irritation.
L'action est très peu représentée dans ce roman, qui est consacré à l'évocation de tranches de vie visant à donner une idée assez précise d'une culture originale, l'histoire de la Flotte de l'exode, où les derniers Humains à quitter la Terre se sont réfugiés pour gagner les étoiles, et où certains de leurs descendants s'obstinent à vivre. Au travers du personnage de Kip sont traitées non seulement les problématiques liées à l'adolescence, mais aussi les motivations de ceux qui veulent quitter la Flotte, ce thème étant aussi abordé avec les personnages de Tessa et Aya. En miroir, on a une idée de celles portées par les quelques immigrants, dont Sawyer : au-delà du désir de "changer d'air", il peut y avoir le fantasme d'un monde plus unifié, voire même d'une sorte d'utopie communautaire.
En somme, Becky Chambers continue avec ce troisième tome à nous faire réfléchir tout en nous distrayant. Il n'est donc pas très étonnant que cette série ait reçu le prix Hugo en 2019.
Le petit bémol que j'émettrais pour ma part concerne l'édition en numérique, où l'absence de table des matières se fait d'autant plus cruellement sentir que les titres des différentes parties semblent se répondre, ce qu'il ne m'a pas été possible de vérifier.