Elisa Beiram a fait le choix d’un parti pris fort, dans ce futur qui s’annonce désastreux pour la planète. Le premier jour de paix est celui de l’espoir, celui qui permettra à l’Homme de s’élever. Ou du moins essayer. En 2098, dans une ambiance pas loin d’être apocalyptique, où les sociétés telles que nous les connaissons, où les pays tels que nous les rencontrons, ont dû s’adapter aux rigueurs climatiques, l’autrice a l’audace d’y voir du positif et de l’espérance en la nature humaine.
Voilà bien le premier roman du genre que je lis à ainsi développer une idée que certains pourront trouver naïve : la paix est possible entre tous les hommes. Ce n’est même pas un objectif, mais bien la solution. C’est la pensée maîtresse du livre.
Loin d’être candide, l’écrivaine a réfléchi l’idée pour proposer une fiction aussi enrichissante que ludique. Parce qu’en plus, elle use d’un ton franchement décalé.
Autant aller au bout du concept. Ce n’est pas parce qu’on parle de sujets difficiles qu’il faut se prendre trop au sérieux ! Là aussi, le texte va à l’encontre de beaucoup de romans de la production de SF actuelle.
Le roman peut sembler très court, 150 pages, mais il se révèle d’une densité et d’une profondeur étonnantes en si peu de pages. Elisa Beiram jongle avec les idées à travers sa vision du futur, en équilibre instable sur un fil. Mais sans tomber dans le vide, tout comme cette Humanité obligée de revoir ses fondements pour survivre.
Elle bat en brèche bien des règles qui s’installent, pour proposer une voie médiane, à coups de scènes qui servent autant à développer des personnages que son argumentation. Je le répète, sans prise de tête.
Le livre débute avec un vieil homme qui se met à refuser la violence. Seul dans son coin, alors qu’il faisait lui aussi partie de ce système brutal par le passé. Perdu dans sa jungle, il croit être seul.
Ce n’est pas le cas, loin s’en faut, c’est même une sorte d’épidémie pacifique qui se propage dans les différentes strates d’un monde en train de s’unifier par la force des choses.
Suivront les pistes, les directions, suivies par d’autres personnages, rassembleurs. Comme cette émissaire qui réconcilie les gens sur le terrain, ou cette femme qui tente de faire signer un traité de paix à l’échelle mondiale. Ils ont tous leurs incertitudes, mais la même conviction.
Quitte à dépenser de l’énergie autant le faire pour faire la paix. Même dans un monde dévasté, où décider de se battre pour des idées plutôt que des ressources n’est pas l’évidence.
Avec force arguments, l’autrice déconstruit l’idée, qui se développe dangereusement actuellement, que l’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Le futur qu’elle imagine est passé au-dessus de ces considérations, gommant les frontières.
L’écrivaine balaye les chamailleries, pour mettre en lumière des personnages qui osent dire stop, dire non. En s’engageant. Même s’ils sont perclus de doutes.
Le roman va à rebours, refusant le fatalisme, osant l’espoir, et le décalage. Jusqu’à la manière de raconter cette histoire, jouant sur la rupture et osant même l’humour !
Un texte à lire les écoutilles grandes ouvertes, pour y croire. Posément, ce n’est pas le genre de livre à proposer des rebondissements trépidants, mais bien différents prismes, dont certains vont beaucoup surprendre. Tout comme la révélation finale.
Le premier jour de paix est un roman qui va à contre-courant d’un pessimisme ambiant. Il est peut-être trop tard pour éviter des cataclysmes climatiques, mais Elisa Beiram refuse de baisser les bras avec ce texte engagé et engageant.
Yvan Fauth