On avait pu découvrir Elisa Beiram en 2020, grâce à son premier roman déjà publié par L'Atalante, l'onirique Rêveur Zéro. Dans Le Premier jour de paix, elle propose sa version du post-apocalyptique. L'action se situe à la toute fin du XXIe siècle, et l'on suit deux personnages principaux. L'effondrement appartient désormais au passé, mais pas ses conséquences mortifères.
En guise d'ouverture, nous découvrons Aureliano, ancien des FARC, un des derniers habitants d'un village colombien, qui ne trouvent rien de mieux que de s'entretuer. Pour trouver une solution, il lance avec ce qui reste de matériel informatique un appel aux émissaires de la paix...
Dans l'ancienne Roumanie, deux villages voisins se déchirent autour de ressources en eau en voie de raréfaction. Une émissaire de la paix, Esfir, est chargée de trouver un terrain d'entente et une solution pour leur permettre de mieux vivre. On la retrouve plus tard dans la ville de Bel Horizon, au bord de la Baltique, là même où Aureliano a atterri grâce à America. Cette dernière est négociatrice, chargée de trouver un terrain d'entente entre les Grands Territoires, divisions géographiques ayant succédé aux États. On le voit, Le Premier jour de paix, défend l'altruisme et l'empathie contre la loi de la jungle et le survivalisme, la négociation et l'échange contre l'agression et la guerre. Sans faire l'économie des traumatismes liés à la crise climatique – réduction démographique, recul de la civilisation et de l'urbanisation, lutte pour les ressources – Elisa Beiram croit au pari d'une possible reconstruction. Son utopie, qui ressemble à ce qu'aurait pu donner une ONU plus démocratique et plus puissante, est de toutes les couleurs, axée sur l'entente et les migrations consenties permettant de fuir des zones trop hostiles pour des territoires plus viables, éloignés de l'équateur. Forte de ses diversités, son humanité de l'après-demain use de l'uni (un anglais largement enrichi d'autres apports), partage le principe des low techs et du commun, une société alternative appuyée sur des communautés à taille humaine aux forts parfums d'anarchisme. La disparition des États et des nations, donc in fine des frontières, semble toutefois bien rapide, tout comme d'ailleurs celle des firmes transnationales. Le Premier jour de paix introduit également un élément plus classique dans sa science-fiction [...] : America est en effet en contact avec un extraterrestre, représentant du PActe Galactique, nouvelle variante de la Fédération chère à Star Treck, qui rassemble les espèces intelligentes ayant adopté la paix comme base de leur civilisation. Une science-fiction qui veut penser le futur en pansant les plaies du présent.
Jean-Guillaume Lanuque