Parfois on a besoin d'un peu d'espoir. Pas de cynisme, pas de SF grandiose et grandiloquente pleine d'action et d'explosions. De la fiction pas si loin de la réalité qui nous propose une autre vision que celle fataliste qui ressort des médias actuels.
C'est ce que fait Élisa Beiram, dont le premier roman Rêveur Zéro est paru il y a quelques années aux éditions l'Atalante et dont vous pourrez également retrouver une nouvelle en numérique aux éditions ActuSF, dans Le Premier Jour de paix, son deuxième roman court mais puissant, comme un sprint à travers des vies possibles.
Aureliano, vieil homme las comptant les morts en attendant qu'il n'y ait plus de vivants. Esfir qui passe de ville en ville pour calmer les conflits, trouver des solutions... mais qui ne sait pas quand son travail deviendra obsolète. Et América, négociatrice. C'est sur ses épaules que repose la paix entre les grands territoires, entre les hommes et peut-être entre tous les peuples, qu'ils soient terriens ou non.
Ces trois personnages principaux vont se croiser, se quitter et chacun évoluer dans un monde désolé en pleine reconstruction sociétale. Et face à ces changements parfois brutaux et contraints, tous vont être forcés de faire évoluer leur vision de la vie. Aureliano, qui cherche à sauver son village en Amérique du Sud, sera-t-il vraiment serein quand les survivants seront sauvés ? Les mêmes questions se posent pour les autres personnages qui cherchent à utiliser la paix comme outil pour relancer la vie de l'humanité.
On passe d'une tranche d'existence à l'autre pour découvrir toutes les ramifications de cette nouvelle société globale. Mais quand peut-on dire que la victoire est atteinte ? Car malgré un premier jour de paix qui arrivera tôt ou tard, l'univers continue de tourner et les forces de modifier le cours des événements.
Vous le savez et vous le voyez, lecteur et lectrice : le monde est en colère. Face aux injustices sociales ou aux indices de point de non-retour climatique. Le monde s'embrase un peu plus chaque jour et il devient difficile de tenir un compte précis des situations de crise mondiales. Oui, le monde est en colère et Élisa Beiram l'exprime à l'échelle individuelle en montrant des villages massacrés à cause d'un malentendu qui prend des proportions inimaginables. Dans ce fiasco, des pacificateurs et négociateurs de paix se lèvent pour chercher des solutions et contenir l'étincelle de la rage humaine avant qu'elle n'aille plus loin que la querelle entre deux individus. Pour atteindre la paix, il faut d'abord supprimer l'animosité selon l'autrice.
Le Premier Jour de paix nous met face à des réalités que l'on connait bien car nous avons tous et toutes déjà réagi violemment à un événement quelconque pour nous rendre compte plus tard de notre débordement. En résumé, nos attitudes individuelles ont réellement un impact sur nous espèce entière. C'est la pensée collective qui guide les personnages du roman. Tous agissent pour le bien commun à des échelles différentes : les enfants survivants de son village, la paix entre les nouvelles communautés sur les différents continents, les accords de paix mondiaux.
"Quelle est donc la solution ?", me direz-vous. Et en effet, la fiction n'est pas toujours applicable à la réalité, mais Élisa Beiram ouvre une porte. Certes, il paraît difficile d'arriver à la société qu'elle présente en à peine 70 ans, surtout au vu des politiques actuelles, mais après tout, pourquoi pas ?
Dans Le Premier Jour de paix, les personnages se sont rendu compte d'un point logique mais pourtant crucial.
Tous nos conflits passés et actuels peuvent se résumer à cela : un besoin indéfectible de protéger ses propres besoins au détriment de l'autre. Dans le roman, on découvre une nouvelle organisation basée sur de plus petites communautés indépendantes (mais pas formées en état ou nations) afin que les individus puissent garder une vision d'ensemble de ses semblables et considérer l'impact de ses actions sur les autres. Car quand on voit chaque jour notre ville perdre deux ou trois habitants sur à peine 300, difficile de l'ignorer.
La volonté est donc un sentiment très présent dans le roman et chacun doit faire preuve de détermination. Mais, sans spoiler la dernière partie du texte consacré en majorité au personnage d'América, un coup de main extérieur peut parfois être nécessaire. La jeune femme a été choisie pour mener les négociations de paix. Se serait-elle donné autant de mal si on ne l'avait pas poussée ? Probablement pas, comme nous tous. Car quelqu'un d'autre de plus fort, de mieux qualifié, de plus légitime, le fera, n'est-ce pas ?
Le Premier Jour de paix est un roman à la fois prenant et percutant de justesse et de questionnements sur nos choix présents et leur impact sur le futur. Le chemin - difficile - vers une utopie et une vie plus juste pour l'humanité. Est-ce viable ? C'est à vous d'en décider. Mais le roman a sans contexte raison sur un point : il faut se bouger !