Bordage - Frère Elthor - Un papillon dans la lune
Enfin ! On l'attendait, Pierre Bordage l'a fait ! Voici la conclusion de sa pentalogie space-opéra, débutée en 2007 avec Frère Ewen.
Frère Elthor est la digne suite et fin de cette aventure à travers l'espace et le temps que j'ai adorée.
Elthor, devenu 1er maillon de la chaîne pancatvique à la suite de Sœur Onden, est chargé d'empêcher la destruction de la Voie Lactée par la mystérieuse nuée, qui m'a fait penser aux Langoliers de Stephen King. Il embarque sur le Phosphélius, direction le Petit Nuage de Majdan, où il sait qu'il doit se rendre sans savoir précisément ce qu'il devra y faire. Des ennemis et divers obstacles se dresseront bien sûr sur sa route, mais il sera heureusement aidé par les mémoires de ses Frères et Sœurs et par le feu du Cakra.
Parallèlement, sur Néo-Tierra, la menace commence à être prise au sérieux par les politiques, puis par la population bientôt prise de panique, ce qui donnera lieu à des scènes assez apocalyptiques.
On reconnaît bien la patte de Pierre Bordage dans la narration alternée qui fait de ses romans de véritables page-turners.
D'un côté, l'aventure spatiale de Frère Elthor nous emmène en voyage hors de notre galaxie, lors d'un périple toujours dangereux, parfois émouvant. De l'autre, une narration à la 1ère personne nous permet de découvrir la réaction de divers personnages à leur fin annoncée. Les narrateurs changent au fil des rencontres et nous racontent la folie d'un monde qui se sait condamné. J'ai d'abord été étonnée de ce changement de narrateur qui avait lieu sans que le "Je" ne soit abandonné, puis cela a pris tout son sens quand j'ai compris que cette partie du texte faisait écho à l'idée de la chaîne. Ils sont tous des maillons de l'histoire.
Les exergues sont comme toujours très travaillés chez Pierre Bordage. Ils nous donnent des indications sur un prochain événement du chapitre sans pour autant trop en dévoiler. J'ai notamment beaucoup apprécié ce poème sur les femmes :
"Femmes, belles, gracieuses, farouches, tendres, blessantes, accueillantes,
Rêves de courbes, douceur et courage, fragilité et force,
Fleurs, amantes, mères, saintes,
Chaleur, moiteur, antres, refuges, magiciennes,
Poussées de fièvre, larmes de pardon, éclats de rire brisés,
Femmes, altières, humbles, fuyantes, combattantes, résistantes, vaincues,
Spectres qui hantent mes nuits sans étoiles,
Et mes jours lumineux.
L'Ode aux femmes, Svelt Montler."
L'auteur nous propose aussi de belles critiques. Celle sur la/les politique(s) est flagrante, et je dois l'avouer, partagée : intérêt personnel, fainéantise, commissions inutiles, groupes de pressions... Quelques pics :
"Je me rendais soudain compte que, par habitude, par paresse sans doute, je me contentais des avis des commissions sans chercher à me forger une opinion par moi-même.
Je suppose qu'il faut être fermé aux émotions et aux sentiments
pour embrasser la carrière d'homme politique."
De même, les chasseurs présents sur le Phosphélius avec Elthor en prennent pour leur grade aussi. Ils sont présentés comme des gens sanguinaires, prêts à tuer n'importe quelle forme de vie, même inconnue, pour compléter leur tableau. Des claques se perdent, et on les tirerait bien avec leurs fusils ultra-sophistiqués !
Pour conclure, ce récit se révèle humaniste, accrocheur, parfois violent, parfois émouvant. Pierre Bordage nous offre de belles révélations, matière à réflexion et une fin digne de ce nom. J'ai hâte de voir ce qu'il nous réserve pour l'avenir !
Publié le 26 juin 2012