Il y a un certain nombre de personnages récurrents que je suivrais au bout du monde. Parce que ce personnage de Chastity Riley possède sa propre vie et nous parle de notre société, de façon rude, juste et lucide.
Une voiture a brûlé à Hambourg, à City-Nord. Rien d’étonnant à cela, cela arrive à Hambourg et n’importe où ailleurs dans le monde. Chastity Riley a été appelée ce matin, car cette fois-ci, il y a un corps dans la Fiat fermée à clé. Le jeune homme est transporté dans un état critique, après avoir inhalé des gaz toxiques pendant plus de dix minutes. Effectivement, il ne passe pas la journée.
La carte grise dénichée dans la boîte à gants est au nom de Nouri Saroukhan. L’hôpital déniche les papiers de la victime qui confirme son identité, née à Brême, résidant à Eimsbüttel dans les immeubles du Grindel. Autour d’un café dégueulasse, Chastity et son collègue Ivo Stepanovic aperçoivent quelqu’un qui les épie d’un toit. Quand ils s’y rendent, il est trop tard pour l’appréhender.
Un groupe de travail est formé et les informations sur Nouri Saroukhan tombent : Il a interrompu ses études de droit et est employé par une compagnie d’assurances ; il fait partie du clan Saroukhan, qui détient tous les trafics imaginables de Brême. Les origines du clan sont à chercher dans la communauté Mahallami, une tribu ottomane apatride. Chastity et Stepanovic vont enquêter à Brême.
Troisième enquête de Chastity Riley, troisième pur plaisir de lecture ! Quel fantastique personnage que cette procureure qui promène son mal-être personnel et professionnel au long de ces romans courts, comme des uppercuts fatals. Derrière un style simple, se cache une salve d’émotions et un souci d’efficacité qui créennt un besoin viscéral de la suivre dans ses enquêtes liées à des faits de société.
Car on ne peut que craquer pour ses mésaventures privées tant elle montre dans sa narration une honnêteté, une mise à nu, une crudité vraie. Et on ne peut que la suivre dans ses enquêtes qui montrent à chaque un problème de société sans jamais juger mais en posant clairement un problème, souvent insoluble, toujours dramatique, qui heurte la parcelle humaniste qui se rebelle en moi.
Simone Buchholz aborde le sujet de l’immigration, et le conflit de civilisation en montrant ce clan sans territoire, dédié à la protection de l’empire ottoman. Ultra violent et se basant sur la protection de la tribu, les Mahallami n’ont aucun sentiment humain autre que la survie des siens. Ils n’adoptent aucun précepte de la civilisation occidentale dite civilisée et ne croient qu’en la violence pour gérer les conflits. Je ne vous parle même pas de la façon dont sont traitées les femmes, simples monnaies d’échange pour calmer une bataille entre deux clans.
Loin de prendre position, Simone Buchholz, fort intelligemment, préfère poser les faits tels qu’ils sont, vieux de plusieurs centenaires, et nous déroulent une histoire d’amour à la façon de Roméo et Juliette. Et son minimalisme stylistique fait mouche et nous tire des larmes dans la scène finale, nous faisant soupirer de façon bien fataliste. Cette troisième enquête est à nouveau fantastique.