[...] Cette façon de distiller son intrigue par petites touches subtiles, de tisser une trame bien plus vaste que ce que le lecteur ne peut imaginer, de sauter d’un personnage à un autre pour ménager son suspense, Ni Dieux ni Monstres l’emploie à la perfection. Ce roman, que l’on doit à l’auteur américain Cadwell Turnbull, est l’une des prochaines sorties du catalogue des éditions L’Atalante et plus qu’une réussite : c'est un chef-d'œuvre !
[...] Ni Dieux ni Monstres nous offre une histoire riche, complexe, extrêmement bien construite et très très loin des récits de loups-garous classiques.
Le roman est un véritable bijou quand il aborde les émotions. Les mots posés par Cadwell Turnbull lorsqu’il parle de deuil, de remords ou de traumatismes sont d’une justesse et d’une profondeur incroyables. Les sentiments sont mis à nu de façon crue, humaine. Et les monstres n’en deviennent que plus proches de cette humanité qui voudrait les ostraciser comme elle le fait des étrangers, des homosexuels, des handicapés et de tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule d’une société normalisée. C’est là, en fond, que s’exprime le propos du récit : mettre en lumière l’altruisme et l’empathie de ces gens que le monde considère comme des rebuts. Parler de droits civiques et d'égalité pour un peuple en proie à l'ostracisation.
Au premier plan, il y a cette lutte entre sociétés secrètes, ces créatures qui cherchent à survivre en préservant leurs secrets et ces dilemmes qui tiraillent les personnages confrontés à des bouleversements majeurs dans leurs vies. Mais pour Cadwell Turnbull, ce roman est aussi une manière de réconcilier science et magie. En intégrant la physique quantique à son univers, il donne une base solide, intelligente et crédible à toute la fantasmagorie qu’il y développe. La mythologie trouve son explication, tout comme les contes et les légendes.
Enfin, il y a ce talent dans le tissage de la trame. Ces instants où l’on s’interroge : Est-ce une erreur ? Une faute de traduction ? L’auteur s’est-il trompé ? Qui est ce narrateur qui soudain s’adresse au lecteur ? Des questions dont les réponses prennent petit à petit leur sens et qui forment une vaste toile aux ramifications complexes, mais parfaitement orchestrées. Un sens derrière le sens, un message qui donne le vertige, une prise de conscience cosmique qui remet tout en perspective : le sujet, mais aussi le lecteur lui-même.
Au moment de refermer ce livre on ne peut être que bouleversé, frappé par le talent de l’auteur pour faire cohabiter sujets, luttes et valeurs ; politique, société et fantastique, dans une œuvre parfaitement maîtrisée, qui, une fois commencée, ne peut être lâchée avant d’en avoir lu le dernier mot.