Disons-le tout net : ce roman est un gros coup de cœur ! Tout au long du récit, nous accompagnons ces femmes incroyables, qui puisent dans l’adversité et surtout dans leur sororité, la force de renverser des montagnes et de réaliser leurs rêves. N’allez pas croire pour autant que tout est facile. Ces héroïnes payent un lourd tribut de doutes, de désespoir, de larmes et de sang pour conquérir leur liberté. Les protagonistes sont magnifiques, de Gursoon, la matriarche pleine d’expérience, à Zuleika aux multiples compétences, en passant par Rem, celle qui possède la connaissance. Gursoon était une voix du harem, elle est maintenant celle de la communauté, permettant au groupe de survivre en tant que tel, même quand les épreuves risquent de les séparer. Zuleika a refusé le sort qui lui était promis en tant que femme, et a rejoint une guilde d’assassins pour prendre son destin en main. Elle devient la dirigeante et la protectrice du groupe. Enfin, Rem, celle qui pleure des larmes d’encre, celle qui s’est travestie en homme pour accéder à la Grande Bibliothèque de Bessa, celle qui s’est sacrifiée pour tenter de sauver livres et parchemins de la folie destructrice du zélote, est la mémoire de la communauté, celle sur qui s’appuient ses compagnes pour reconquérir les savoirs.
La structure du récit emboîte les histoires des unes et des autres, le passé comme le présent, elle joue avec les protagonistes et les points de vue pour embarquer les lecteurs dans une aventure incroyable, drôle, sensuelle, violente et riche. Les trois plumes des auteurices s’unissent sans effort, pour créer une narration envoûtante, au style fort, où vérités et faux-semblants se mêlent sans cesse.
Bessa, la Cité des Femmes, est faite des forces et des faiblesses de ces femmes, de leurs espoirs, de leurs défaites, de leurs larmes, de leur sang, de leurs rires, tout autant que de briques et de sable. Quelques hommes les accompagnent dans leur périple, qui les respectent et trouvent leur place sans chercher à usurper celle des femmes. Bessa est surtout faite de leur volonté de changer le monde, d’en créer un à leur image, où elles sont considérées et libres. Elles construisent une ville dont les règles politiques et économiques sont nouvelles, et travaillent à faire évoluer les mentalités.
La cité de soie et d’acier est un roman féministe, un roman politique, un roman qui fait réfléchir et pose les conditions d’une vie plus libre, plus riche, plus juste pour toutes et tous. Mine de rien, le récit parle aussi d’aujourd’hui, des fanatiques de Dieu qui s’attaquent à l’art, à la culture, à la connaissance, des femmes qui sont souvent (toujours ?) les premières à payer un lourd tribut à l’obscurantisme, des femmes qui se battent pour conquérir dignité et liberté. Il propose une utopie, certes, mais une utopie réaliste, une utopie forte, une indépendance qui coûte cher, mais qui s’obtient. C’est également un hymne à la sororité, au savoir, aux livres, aux mots, à l’espoir et au combat. Un roman indispensable !