Koli est à présent loin de son village natal de Mythen-Croyd. En compagnie de Tasse qu’il a sauvé d’une secte et d’Ursala la guérisseuse bougonne qui possède un puissant tech, sans oublier Monono, la « fille dans un boîtier », il se dirige vers Londres afin de trouver l’origine d’un signal mystérieux. Pendant son périlleux voyage, que devient Toupie, jeune femme dont Koli était amoureux, restée, elle, à Mythen-Croyd, et qui a épousé un Rempart, personnage important du village ?
Une histoire coupée en deux
Comme vous l’aurez compris en lisant mon introduction, dans ce deuxième tome de la trilogie Rempart, la narration est divisée entre deux personnages : Koli, comme dans le premier volume, et Toupie, qui nous permet de garder un œil sur le village où tout a commencé. Bonne idée, qui permet d’éviter la lassitude. Même si cette fois, l’action démarre plus vite et ne baisse pas vraiment d’intensité. Le rythme est plus élevé que dans Le Livre de Koli, qui mettait un peu de temps à démarrer. Ici, les parties consacrées à chacun sont suffisamment longues pour qu’on ait le temps de s’accrocher au personnage et à ses problèmes. Mais pas trop, pour éviter le détachement.
Un voyage et un bouleversement
Donc, Koli se rend à Londres pour découvrir d’où provient un signal et, pourquoi pas, trouver un endroit où l’on pourra réunir tous les humains survivants afin de donner une chance réelle de survie : avec un patrimoine génétique plus conséquent, peut-être que les femmes donneront à nouveau naissance à suffisamment d’enfants pour que l’espèce ne soit plus en danger. Car en ce moment, on court à la catastrophe. Mais pour arriver dans cette ancienne capitale, il faut traverser des territoires infestés d’animaux carnassiers, d’arbres mortels et de peuples peu amènes. Voire hostiles. Et ils ont beau être aidés par le tech d’Ursala, ce dernier ne peut pas faire des miracles. Le voyage est donc difficile, mais passionnant pour le lecteur tant les péripéties se succèdent, variées et génératrices d’inquiétude pour les personnages.
De l’autre côté, Toupie voit sa vie changer. Elle le voulait, mais ne prévoyait pas le sens que cela allait prendre. Car si elle est parvenue à épouser un Rempart, donc à accéder au sommet du village, elle va vite déchanter. Dans le premier roman de la trilogie, le Rempart responsable du tranchoir avait poursuivi Koli et avait déclenché un combat meurtrier lors duquel l’arme avait été détruite. Plus de tranchoir, plus de charge honorifique. Le mari de Toupie n’est plus un Rempart. Elle non plus. Retour à la case départ. Mais un autre évènement va bouleverser son existence. Et celle du village.
Se renouveler dans la continuité
Les suites sont toujours sources d’inquiétude pour moi (et pour la plupart des lecteurs) : si j’ai aimé le premier livre, vais-je autant apprécier le deuxième ? Dans le cas présent, j’avais bien aimé Le Livre de Koli, même si j’avais trouvé le démarrage un peu longuet. Ici, ce problème n’existe pas. On est dans l’action dès le début. Et c’est tant mieux. En plus, comme on change régulièrement de narrateur, passant de Koli à Toupie, on n’éprouve pas la lassitude qui peut survenir, surtout dans les récits de voyage où les différentes péripéties peuvent manquer d’originalité quand on lit pas mal de récits de ce genre. Mais là, rien de tel. D’autant que M.R. Carey arrive plutôt bien à se renouveler. Même quand il fait passer ses personnages par les mêmes endroits, il tire un parti intelligent de ce que l’on connaissait déjà et surprend son lecteur. Il a également su créer de nouveaux groupes d’humains, avec des habitudes et des coutumes surprenantes ou inquiétantes, réjouissantes ou méprisables. Dans tous les cas, au service d’une narration efficace.
Il est fréquent que le corps garde les cicatrices de bagarres et de mésaventures, et on sait combien il est difficile de ne pas les toucher pour un oui ou un non, histoire de voir si elles ont changé, ont bougé ou ont en partie guéri. On agit pareillement avec les cicatrices dans la tête.
Sans oublier, outre l’aspect distrayant de la lecture, les valeurs qui sont véhiculées par ce roman : M.R. Carey y traite avec finesse la tolérance envers ce qui est différent, l’ouverture d’esprit envers l’autre, quel qu’il soit. Que l’on parle d’un représentant d’un autre peuple, ou de quelqu’un qui ne se reconnaît pas dans son corps et n’accepte pas les transformations de l’adolescence. Ces thèmes sont abordés sans les gros sabots larmoyants qui hantent certaines pages. Ici, au détour d’un chapitre, on peut se poser et réfléchir à cela quand Tasse se trouve confrontée à ce miroir déformant. Et cela nourrit la réflexion (je sais, je sais, je dis souvent cela, mais comme je lis pas mal, j’ai besoin de plus que de simples lectures « plaisir » que j’apprécie, mais qui finissent par me lasser, à force).
Alors, vous l’avez compris, Les épreuves de Koli est une agréable surprise car, pour moi, il a été supérieur en qualité au premier tome de la trilogie Rempart. J’ai suivi avec enthousiasme et inquiétude les aventures de Koli et celles de Toupie. Je me suis demandé où M.R. Carey allait les entrainer, et moi avec. Et je n’ai qu’une hâte, dévorer le dernier volume qui paraîtra en septembre prochain. Je l’attends avec impatience !