J’avais beaucoup aimé la trilogie post apocalyptique Rempart de M. R. Carey publiée chez les éditions L’Atalante. Aussi j’étais curieuse de découvrir d’autres livres de l’auteur. C’est chose faite avec Une autre moi-même publié chez le même éditeur en février. Cette fois, l’écrivain anglais s’aventure dans le genre du thriller fantastique.
Le thème principal du roman est la dualité, on le retrouve d’ailleurs sur la couverture signée Dorian Danielsen. Deux points de vue narratifs, deux personnages principaux, une histoire de double, deux destins qui vont se croiser. D’un côté, celui de Liz, femme battue par son mari qui a fini par divorcer et essaye de reprendre sa vie en main tout en élevant ses deux enfants, et jonglant avec des heures de travail dans un multiplex. Le divorce n’a pas mis fin aux disputes, et un jour la dispute de trop éclate. Pour se défendre et sauver sa vie, Liz riposte fermement au point de blesser son ex-mari. Cependant, elle a l’impression que ce n’est pas vraiment elle qui a agi, que quelqu’un d’autre a pris sa place pendant quelques instants, quelqu’un de bien différent d’elle, qui n’a pas peur et n’hésite pas à agir. Cela l’inquiète, surtout que quelques jours plus tard, cela se reproduit, ce qui décide Liz à consulter un psychiatre. D’un autre côté, la seconde protagoniste, Fran, une adolescente marquée par la vie, moquée dans son lycée, et qui va se lier d’amitié avec le fils de Liz. Leurs deux existences vont se trouver liées pour former une histoire dense, prenante, originale et immersive.
Le talent de M. R. Carey dans ce roman est de construire son histoire à partir d’un surnaturel savamment dosé, faisant sans cesse se poser des questions au lecteur sur ce qui se passe vraiment. Il arrive à réinventer son histoire en la faisant rebondir de manière cohérente sans perdre son lecteur en route. Tout au long du roman, il joue sur la dualité de ses personnages, mélangeant leurs personnalités. L’auteur a construit une histoire surprenante, mêlant imaginaire et réel, imbriquant les deux de telle manière que le lecteur peut hésiter entre plusieurs interprétations, tout aussi plausibles les unes que les autres.
Le point de départ du récit est les violences faites aux femmes mais le roman aborde d’autres sujets comme la violence psychologique, la quête de soi, les troubles mentaux, le regard des autres, la résilience, l’amitié, la fragilité psychique ou encore l’amour filial. M. R. Carey a soigné son intrigue pour la rendre très prenante, mais aussi ses personnages. Ces derniers sont remarquablement bien dépeints, ils apparaissent ainsi très crédibles, on s’y attache vite, ils nous touchent, nous parlent, nous marquent. Les relations entre les parents et les enfants, entre les adolescents sont bien écrites et réalistes. La plume de l’auteur est fluide, addictive, tout en finesse. Les 550 pages du roman se lisent presque en apnée tant l’auteur arrive à tenir son lecteur en haleine et à le prendre dans cette histoire de double, de quête de soi et de l’autre. J’ai lu les 300 dernières pages en une journée tellement j’étais prise dans l’histoire.
Une autre moi-même est ainsi une belle réussite qui croise les destins de deux personnages forts, qui marie habillement thriller et imaginaire pour former un roman fantastique. J’ai beaucoup aimé ces hésitations entre différentes explications faisant osciller le roman entre différents genres. L’idée de base et le développement des personnages sont extrêmement bien pensés et façonnés pour donner un roman prenant, intelligent et plein de réflexions.