Voilà un livre fantastique dans les deux sens du terme. Par le genre littéraire qu’il développe comme par la qualité de son contenu. Ceux qui pensent ne pas aimer ce style de livres devraient réviser leur jugement et tenter l’expérience, Une autre moi-même de M.R. Carey étant vraiment à mettre entre les deux hémisphères de tous les esprits curieux.
Deux, c’est le chiffre qui résume bien cette histoire, une dualité que l’on retrouve à travers chaque chapitre, en alternance de voix. Qui se décline parfois en gémellité, en un double, en une duplicité ou une dichotomie.
Liz est une femme battue, depuis des années. Le parfait amour s’est rapidement transformé en une lutte. Pour éviter les coups et les rabaissements, accepter les pseudos-excuses qui ne sont que des leurres. Jusqu’à ce que sa vie soit réellement en jeu, la fois où cette violence s’amplifie jusqu’au point de non-retour.
La femme, qui encaisse habituellement, se retrouve à se défendre brutalement, comme si une autre personne avait pris les rênes pour riposter à sa place.
C’est l’un des pans importants de ce récit, qui prouve que le genre fantastique peut aussi véhiculer des messages, parler de l’intime et de sujets de société autant que faire preuve d’imagination.
Un pied dans la réalité, l’autre dans l’imaginaire, voilà une recette qui fonctionne bien quand l’auteur sait y faire. C’est le cas de M.R. Carey, qui n’est pas le premier venu (cf sa récente série débutée par Le Livre de Koli).
L’autre, tout un concept qui sera développé à travers le romanesque. Comme l’histoire de cet autre personnage principal, la jeune Fran, qui se lie d’amitié avec le fils de Liz (ou Beth, vous comprendrez en lisant).
Une adolescente noire traitée comme la bizarre du lycée, harcelée et moquée. Qui a vécu une horreur terrible, une terreur sans nom à l’âge de 6 ans. Et qui vit en partie dans son monde, avec son « amie » fantasmée, une renarde digne d’un dessin animé, qu’elle est la seule à voir.
Deux existences, deux destins qui vont se retrouver liés, pour le meilleur et pour le pire. Le reste n’est que littérature.
M.R. Carey a soigné son intrigue, et surtout ses personnages. 550 pages denses mais prenantes, dynamiques et jouant parfaitement la partition de l’Imaginaire réaliste, pour peu à peu dériver vers le fictionnel. Avec une idée maîtresse bien pensée, qui propose une explication intéressante aux phénomènes surnaturels. Et apporte cet aspect ludique, malgré des sujets et destins forts.
Avec des protagonistes parfois ambivalents, à la recherche d’eux-mêmes, en quête/ enquête. Des histoires personnelles de couple, de familles, d’adolescents, qui vrillent. Le lecteur regardera derrière les apparences où s’ouvrira un monde fantasmagorique aussi frissonnant que jubilatoire.
Une autre moi-même est une réussite, mariant avec bonheur l’Imaginaire et le thriller, le fantastique et les sujets de société. Un joli pavé qui se dévore avec appétit, tant l’idée de base et le développement des protagonistes sont bien pensés par un M.R. Carey qui est décidément un excellent raconteur d’histoires.