Attention, pépite ! Ou tuerie ! Ou merveille ! Ou n’importe quel superlatif que vous auriez à l’esprit !
Le thème général est un thème à la fois d’une extrême contemporanéité puisqu’on le retrouve constamment traité aussi bien en littérature que dans l’actualité, d’une troublante et sombre (et évidemment malheureuse) banalité qui font que la manière dont il est abordé ici participe à l’excellence de ce titre.
Les violences faites aux femmes ne sont pas des matières qui laissent envisager une lecture « plaisir ». Et pourtant, en allant sur le terrain du thriller paranormal, M. R. Carey parvient à parler d’un sujet lourd d’une manière inhabituelle et donc intéressante.
Il y a Liz, une mère aimante et dévouée pour ses deux enfants, Zac et Molly, respectivement 16 et 6 ans, impuissante face aux agressions que son ex-mari continue de perpétrer sur sa personne. Et il y a Beth, cette autre présence qu’elle sent en elle, plus féroce, plus résiliente mais plus inquiétante aussi parce que revancharde. Beth n’agit pas comme un simple double psychologique mais plutôt comme un fantôme venant d’un univers parallèle qui voudrait prendre la place de Liz.
Et il y a Fran, 16 ans, adolescente ayant été enlevée et séquestrée à l’âge de 6 ans, sauvée par la police et vivant aujourd’hui sous la protection de dame Guigne, un renard imaginaire issu d’un dessin animé de son enfance, pourvue d’une épée et d’une armure de chevalière. Dame Guigne est apparue dans la vie imaginaire de Fran après sa libération.
M. R. Carey évacue assez rapidement la question de l’ancien mari pour se concentrer sur Liz/Beth, Fran et dame Guigne, Zac et Molly et les oppositions et conflits qui naissent entre eux en fonction de leurs actes respectifs.
Le talent de M. R. Carey est de parvenir à réinventer son histoire et faire en sorte qu’elle ne s’enlise pas sur une seule trame narrative et qu’elle rebondisse d’une manière qui paraisse cohérente. Il mélange parfaitement les personnalités et les personnages et joue sur la dualité de ceux-ci sans arrêt. Sans toutefois perdre le lecteur, ce qui n’est pas sans grand intérêt pour ce denier.
Si le point de départ sont les violences faites aux femmes, le livre dérive ensuite plutôt sur la résilience, sur le pouvoir de l’imagination et de l’imaginaire, sur l’amitié, sur la solitude, sur la fragilité psychique, sur l’amour, filial aussi bien que passionnel, sur l’entraide et le fait que l’union fait la force, sur le pouvoir chamanique des lieux…
Bref c’est un livre magique dans tous les sens du terme. Il l’est de par le biais de traitement choisi par l’auteur en allant sur l’imaginaire, le paranormal. Il l’est de par les faits qui se déroulent sous la plume de l’auteur et sous les yeux du lecteur. Il l’est par le style aussi limpide de l’écriture que celui de la traduction.
Ruez-vous sur cet ouvrage !
Alexandre BURG