Je découvre Becky Chambers avec ce petit roman de 130 pages. Il s’agit d’une histoire touchante d’amitié entre un.e moine du thé et un robot, des dizaines ou des centaines d’années dans le futur. Je crois que c’est la première fois que j’ai le nez dans une utopie, une vraie : l’autrice nous propose un monde où l’Humain a échappé à l’effondrement de justesse et en a tiré les bonnes leçons. Rencontrer ce monde de l’après est délicieux : des villes où la technologie est une bonne chose, où chacun a sa place, laissant la part belle aux villages et une véritable zone sans Humains sur la moitié du globe. De véritables progrès environnementaux, sociaux, nous font comprendre que l’on a affaire à une utopie ; n’en ayant jamais vraiment lu auparavant, je me demande donc au début de ma lecture quel genre d’histoire peut se raconter dans ce contexte au-delà d’une douce contemplation.
Nous lions connaissance avec froeur Dex, moine de jardin, qui plaque son métier pour devenir moine de thé. Puis, entre deux villages, iel quitte la route pour suivre un autre Appel que celui auquel iel avait répondu précédemment… Ce qui lea mènera à une rencontre des plus surprenantes. Pas de spoil ici puisque la 4ème évoque clairement les robots : l’un deux, Omphale, a été désigné par son peuple pour prendre des nouvelles des Humains, avec qui ils n’ont pas eu de contact depuis 2 siècles. Cette découverte mutuelle est touchante, sincère, naïve peut-être aussi mais sans mièvrerie. Nous assistons à un apprivoisement, une curiosité, surtout du côté d’Omphale, un peu moins du côté de Dex, tout concentré qu’iel est sur son but.
Et le but, ou plutôt le but, c’est ce dont il est question. Non contente d’écrire une aventure novatrice, une amitié singulière dans un monde insolite, Becky Chambers compose autour du sens de la vie, du but de l’existence, de la vacuité. Roman initiatique, fable écologique, plaidoyer pour la résilience, Un Psaume pour les recyclés sauvages est tout à la fois ; la plume de l’autrice nous fait réfléchir au sens que l’on peut mettre dans notre propre vie, à la quête de soi, tout en bienveillance et en ne laissant aucune part à la culpabilisation.
Le personnage principal, dont le genre est neutre, pourrait être chacun de nous ; confronté.e à Omphale, intelligent comme un vieux sage et sujet à l’émerveillement comme un jeune enfant, iel sublime sa quête, s’adapte, réfléchit. Le tome 1 n’apporte bien sûr pas toutes les réponses, ni à la question d’Omphale (de quoi les gens ont-ils besoin ?) ni à celle de Dex (quel est mon but ?), mais il pose déjà les interrogations existentielles que l’on a tous en soi. Les embryons d’explication sont des pistes qui m’ont plongée dans une rêverie délicate, magnifiés par la plume enchanteresse de l’autrice et de sa traductrice.
En bref, un immense coup de cœur pour moi ! A conseiller aux amateur.ices de feelgood, d’anticipation, d’aventure… qui ne se laisseront pas intimider par les « iel » et les « lea » car passer à côté d’une œuvre pareille serait une grande perte ! J’ai d’ailleurs vu que le tome 2 venait de sortir (Une Prière pour les cimes timides, quel beau titre encore une fois…), je pense filer chez mes libraires dévorer la suite très vite…
★★★★★♥