Bonjour à toutes et bienvenue dans une nouvelle chronique dans Voyage dans l’Imaginaire. Je vais vous parler aujourd’hui d’Histoires de moine et d’un robot, un dyptique philosophique écrit par l’étoile montante de la science-fiction américaine Becky Chambers. C’est édité chez l’Atalante en France.
Avant de parler de l’oeuvre, il faut revenir rapidement au parcours de son autrice. Becky Chambers nous vient de Californie. Elle s’est principalement fait connaître pour sa série Les Voyageurs qui a reçu d’ailleurs le prix Hugo de la meilleure série en 2019. Histoires de moine et de robot est un de ses derniers projets.
Ce sont deux livres courts faisant chacun environ 125 pages. Ils nous emmènent sur la planète Panga, à la rencontre de froeur Dex, un moine qui décide de briser un quotidien routinier en changeant de métier. Il devient moine du thé et traverse ainsi de nombreuses villes, offrant des moments d’écoute et de discussion autour d’une boisson chaude.
Et alors qu’il se détourne de son chemin initial, froeur Dex tombe sur un interlocuteur bien atypique : un robot du nom d’Omphale. Ces mêmes robots qui se sont défaits de leur asservissement à l’humain des siècles auparavant avant de s’enfuir dans les forêts pour ne plus jamais réapparaître. S’ensuivent de nombreuses aventures et discussions passionnantes entre cet humain et le robot qui souhaite répondre à une question essentielle « De quoi avez-vous besoin ? »
La société décrite dans les deux livres de Becky Chambers est celle qui a fait le bon choix, celle d’une gestion raisonnée des ressources, d’un rapport plus important à la nature et au rythme de celle-ci. Les mœurs également sont très différentes, mais nous allons y revenir.
Un psaume pour les recyclés sauvages est une magnifique promenade qui demandera un effort d’adaptation. Car Becky Chambers fait l’économie ici d’expliquer un certain nombre d’éléments de son univers. Par exemple, le fait que le genre n’existe pas et que chacun se définit comme iel le souhaite. Par exemple, tout le long du récit Dex est associé à « iel », et cela pourra frustrer certains de ne pas avoir d’explication. Pareil, le fonctionnement même de la société est peu décrit, laissant une large place à l’interprétation personnelle du lecteur.
Car, l’intérêt principal du récit, c’est l’insatisfaction qui traverse Dex du début jusqu’à la fin. Quelque chose ne va pas, mais iel n’arrive pas à poser le doigt dessus, et toute l’histoire se construit sur la recherche de ce manque. Il est énormément question des relations humaines, de ce besoin de vie impérieux qui pousse parfois certains à se mettre en difficulté. Dex pourrait être n’importe lequel d’entre nous tant ses questionnements nous touchent tous. Quel est le but de cette vie ?
Becky Chambers ici n’apporte aucune réponse précise. Des pistes de réflexion sont données, mais le but justement du voyage est d’inciter chacun à se forger son propre avis. Ici, le cadre d’une société qui a pris le virage au bon moment apaise et ne rend pas la lecture angoissante. Il n’y a pas de grandes scènes d’aventure, juste une ballade au gré des rencontres de Dex. Même la rencontre avec Omphale n’intervient qu’au milieu du récit.
Une lecture qui invite à une réflexion douce mais pertinente. Et surtout qui donne espoir, tant le message apporté reste positif à mon sens.
Le deuxième tome, Une prière pour les cimes timides prolonge la ballade. Omphale et Dex décident de retourner en terre humaine pour que le robot puisse mener sa quête en posant sa fameuse question « De quoi avez-vous besoin ? ». Mais il va se rendre compte que dans une société où l’on s’est débarrassé du superflu, il est parfois compliqué de répondre à une simple question comme celle-là.
Ici, l’on reprend les deux mêmes personnages et le cheminement continue. L’occasion pour Becky Chambers de nous donner plus d’informations sur l’organisation de la société sur Panga. Et heureusement, tout n’est pas lisse. Chacun vis à sa manière, parfois en harmonie, et parfois en opposition sur certains sujets tels que la technologie.
Mais l’on retrouve ici la douceur des propos de Becky Chambers. Ici, chaque situation est toujours beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît, et les scènes de dialogue paraissent encore plus savoureuses que dans le premier livre, alors que l’on se délecte des réactions étonnées, voir parfois à mourir de rire d’Omphale qui tente de comprendre pourquoi les comportements humains sont parfois si bizarres.
Le récit prend des directions intéressantes, et l’on parle du vieillissement, des technologies, de relations, qu’elles soient amoureuses ou familiales. Et surtout, pas question ici de fin sirupeuse. Même les choix qu’Omphale et Dex prennent ne sont pas évidents. L’on peut le leur reprocher, mais toujours les respecter tant l’écriture de Becky Chambers nous permet de partager chaque moment de joie, de doute, de jalousie, de tristesse.
Je ressors transformé de cette lecture, tant elle fait du bien par son rythme et par les nombreuses questions qui y sont disséminées. A chacun de se faire son propre avis, mais je suis conquis par le propos philosophique de l’autrice qui ici signe un diptyque profond sur le sens de la vie, et surtout le sens de bien vivre.
Je vous redonne la référence, Histoire de moine et de robot, en deux tomes, édités chez l’Atalante.