On a fait comprendre à Méduse dès son enfance qu’elle avait des Monstruosités à la place des yeux, à tel point qu’elle n’a même jamais osé se regarder elle-même dans un miroir. Sa mère la rejette, son père ne se soucie d’elle que par peur qu’elle ne perturbe sa carrière, ses sœurs s’en servent comme souffre-douleur. Suite à un incident, Méduse est placée en pension, dans un institut réservé, je cite, aux “jeunes filles mises au ban de la société par leurs imperfections physiques”. C’est peut-être à partir de là que se déploie tout le côté glauquissime du bouquin – roman court, aux chapitres également courts, ce qui m’oblige à ne pas trop en dire non plus -, l’institut étant géré par des “Bienfaiteurs” qui, bien sûr, n’en ont que le nom. Méduse évolue dans cet environnement dérangeant et va, peu à peu, se découvrir elle-même.
Le récit a beau se lire vite, les pistes de réflexion sont nombreuses. La référence au personnage mythologique du même nom, et donc à l’injustice qu’a subie le personnage (sujet en vogue en ce moment, des romans sur les mythes revus par les personnages féminins sortent régulièrement ces derniers temps), me semble évidente. Mais le plus gros du bouquin tourne évidemment autour du corps, de la façon dont il est perçu, et des normes imposées par la société. Car qui est vraiment le monstre, dans cet institut absolument dégueulasse ? Il est aussi bien sûr question du corps féminin, sujet qui devient encore plus évident lorsque, vers la moitié du livre, on comprend bien avant le personnage lui-même quelle est la nature réelle de ses yeux. “Tu as des yeux de femme, Méduse. Tu ne devrais pas en avoir honte.”, lui glisse un personnage vers la fin de l’histoire.
Si le style est particulier, le vocabulaire empruntant à de nombreuses reprises au lexique médical, Méduse se lit néanmoins extrêmement bien. Le déroulé de l’histoire de Méduse fait forcément réagir, on veut savoir ce qui lui arrive, si la vengeance face à tant d’injustice est seulement possible ou va aboutir. Patriarcat, image de soi, image du corps, perversion, Méduse touche à tant de thèmes et de façon si frappante qu’il interpelle forcément encore bien après la lecture terminée. Il ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais en sortir sans être à minima bousculé semble peu probable. Alors oui, je maintiens, et cette fois sans déconner, que débuter une rentrée littéraire par ce bouquin est loin d’être une mauvaise chose.