« Vita nostra brevis est, brevi finietur… » C'est un environnement à la fois familier et déconcertant ("je fais parfois ce rêve étrange et pénétrant"), à l’image de son protagoniste, Krokodile, brusquement arraché à la Terre par un énigmatique Bureau universel de migration. Projeté sur une planète où les migrants n’ont qu'un statut de dépendant, il découvre un système oppressant, entre épreuves pour obtenir la citoyenneté, sociétés ultra-régulées, et des lois invisibles régissant un monde physiquement et fondamentalement instable.
Ce roman clôt brillamment le triptyque des Diatchenko, après Vita Nostra et Numérique (que j'ai tout autant aimés). S’inspirant des Métamorphoses d’Ovide, les auteurs ukrainiens explorent ici les mutations profondes : celles du corps, de l’esprit, et des valeurs.
Migrant réunit tous les ingrédients d’une grande œuvre de science-fiction : un worldbuilding riche distillé avec parcimonie, des personnages ambigus et attachants, une société aussi fascinante qu’inquiétante, et une intrigue qui ne cesse de surprendre. Un mix de "Hunger Games", "Le Labyrinthe", et Koh-Lanta ? Oui, mais transcendé par une profondeur philosophique : dépassement de soi, résilience morale, et survie collective. Mais cela pousse aussi à réfléchir à nos propres systèmes de contrôle sociétaux, à la notion d’identité et à l’équilibre entre individualité et communauté.
Avec une maîtrise confondante de l’ambiguïté, Marina et Sergueï Diatchenko mêlent critique sociale, aventures palpitantes et réflexion existentielle.