La Comparaison avec la saga Harry Potter
N’ayant pas lu Les Magiciens de Lev Grossman, je ne m’aventurerais pas sur le terrain de leurs similitudes. En revanche, relever la comparaison souvent soulignée entre ce roman et la saga Harry Potter, je puis.
Effectivement, nous pouvons noter plusieurs points qui rassemblent les deux œuvres et expliquent ce rapprochement. Les protagonistes principaux sont des adolescents, vivant une période compliquée pour divers motifs. Ils ne se sentent ni compris, ni acceptés tels qu’ils sont ou encore suffisamment inclus dans le cercle adulte. Des sentiments qui sont partagés par les adolescents du monde entier (ou presque).
Que ce soit Sacha ou Harry, nos deux jeunes héros intègrent une école de magie secrète, excentrée, inconnue des personnes non « magiques ». Une intégration qui se fait sous de faux prétextes pour tromper la famille et maintenir sa discrétion; toujours avec le soucis de séparer les deux mondes, avec les innocents d’un côté et les avertis et pratiquants de l’autre, protégeant, s’érigeant en barrière et protection.
Dans cette institution, les élèves suivent des cours d’une nature académique tout autre que celles avec lesquelles nous sommes familiers, ce sera une gageure pour les non-initiés dès le berceau qui iront de surprises en doute, et même désarroi. Il y a de la camaraderie, mais également des tensions et des rivalités, en reflet de ce qui nous fut connu lors de nos propres études.
Cette proximité avec le réel permet d’ancrer le lecteur dans un sentiment de réalité, de lui prendre la main (sans vouloir lui expliquer le b-a-ba, car les auteurs nous pensent assez futés pour comprendre le reste sans une explication de texte), de l’accompagner finalement dans une dimension changeante, à la fois pour Sacha (et Harry) mais pour nous également.
Les similitudes s’arrêtent là.
Métamorphose
En effet, le public cible des premiers tomes de la saga Harry Potter s’adresse à un jeune public et aux jeunes adultes (sans que cela soit désagréable à lire pour des adultes un peu plus âgés). Vita Nostra vise clairement un lectorat plus mature.
Les deux ambiances sont radicalement différentes, même si je ne qualifierais pas l’histoire initiale du mage à la cicatrice d’idyllique. Néanmoins, les cadres dans lesquels les protagonistes vont évoluer, indépendamment de leur histoire passée respective (une enfance plus heureuse pour Sacha que pour Harry dans son placard), changent du tout au tout. Elle reste bon enfant dans la saga, avec un environnement bien que dédié à la magie, qui réside dans le registre scolaire et studieux.
Il n’en est rien dans le parcours de Sacha, et ce dès les prises de contacts avec Kojennikov. Hormis les liens de camaraderie, à l’Institut tout est âpre, difficile, évanescent, incompréhensif et surtout punitif. L’esprit qui y règne s’apparente presque à une maison de redressement tant discipline et exigence sont des maîtres mots. Certes, les élèves bénéficient d’une marge de manœuvre et de liberté, mais les attentes les concernant s’avèrent si élevées que le sentiment étouffement prévaut. Les cours sont sanctionnés par des félicitations, une certaine latitude laissée aux étudiants ou au contraire par des châtiments qui laissent des traces psychologiques.
Les matières enseignées laissent perplexes, tout comme les méthodes pédagogiques. Elles exigent de puiser dans des ressources personnelles et intimes pour faire face aux défis académiques, déclenchant une forte anxiété à l’approche des examens. Ceci reflète l’angoisse et le questionnement existentiels propres à l’adolescence, et à un passage vers l’âge adulte. La difficile métamorphose.
Le contenu des cours proposé par l’Institut reflète une forme de rite de passage qui n’est formalisé que par quelques pointillés à relier dans un ordre adéquat, or, les contraintes imposées par l’exercice sont tues, et donc la solution doit être trouvées par maints tâtonnements. Les matières enseignées sont hermétiques, excessivement compliquées à comprendre, sans réel mode d’emploi, illustrant ce délicat passage, et la difficulté de s’approprier cette vie, cette transformation de la chrysalide.
Une fois encore, les différents parallèles choisis ne sont guère innocents, car les professeurs de l’Institut ne sont ni méchants, ni indifférents, ils tentent de les guider dans cette difficile mutation, néanmoins c’est à l’élève de trouver la voie et les solutions. Nous pouvons appliquer ce raisonnement dès les premières rencontres avec Kojennikov dont la rudesse et la froideur nous laissent pantois, forçant la jeune fille dans un choix absolument cornélien. Or, nous n’avons jamais le choix à cette période de notre vie.
Vita Nostra est une magnifique métaphore de cette période.
Le Verbe
Magie oblige, nous sommes face à un roman de fantasy, d’inspiration slave ce qui se ressent avec des marqueurs différents de la fantasy anglo-saxonne ou encore d’Europe de l’Ouest, nettement plus empreinte de noirceur et de rudesse.
Néanmoins, la place du Verbe, de sa réalité tout autant que de sa force innée n’est pas sans rappeler la fantasy que nous offrait la grande Ursula Le Guin.
Cet aspect inusité est également un des points fort du roman.
En dire davantage est délicat tant la découverte de cette influence narrative fait partie des joies de la lecture.