J'ai plutôt tendance à lire des livres assez sérieux, de la SF d'anticipation ou des dystopies, mais régulièrement ça me fait du bien de lire quelque chose de plus « léger », humoristique, un peu dans la veine des Annales du Disque Monde de Terry Pratchett, qui se sert de l'humour pour critiquer note société. Et L'instinct du troll rentre parfaitement dans cette catégorie.
Le résumé de la quatrième de couverture donne le ton d'emblée : ce n'est qu'une succession de citations extraites du roman, mises en musique par Ayerdhal, qui reprennent des clichés d'heroic fantasy plus qu'éculés, détournent de la philosophie populaire ou des citations classiques, tout en laissant supposer que le cadre de l'histoire ne va pas être celui d'un roman de fantasy habituel (les vestiaires et les notes de frais ne font pas d'ordinaire partie du paysage de la Terre du Milieu !). Personnellement, j'aime beaucoup les œuvres parodiques, notamment quand elles s'attaquent à des genres que j'apprécie (même si j'ai énormément de critiques à faire au Seigneur des Anneaux et à l'heroic fantasy en général), et cette mise en bouche ne pouvais que me plaire. En plus de ça, le troll n'est pas généralement un personnage de premier dans ce genre littéraire, il n'a même d'ailleurs pratiquement jamais la parole (alors que même lors orcs y ont droit) ; je suis donc contente de pouvoir aborder le monde de la fantasy sous un autre angle et de lire la parole d'une race trop souvent méprisée et calomniée sans qu'on la connaisse vraiment ! (et je m'emballe un peu...)
Bien sûr, la dénonciation du capitalisme et de son corolaire le management en entreprise est ici évidente, et je suis vraiment ravie qu'on mette un peu l'économie et l'industrie au centre d'une histoire de fantasy, car c'est la plupart du temps un des gros points faibles des mondes de ce genre littéraire (et tant pis pour ceux qui viendront se plaindre qu'on est dans des mondes imaginaires, ça n'empêche pas le réalisme, et ça me fait toujours grincer des dents). Mais c'est aussi un prétexte pour une histoire très sympa qui se déroule en actes : premièrement, le troll doit aller chercher les notes de frais de sa dernière quête qu'il a oubliées, et il se retrouve avec un stagiaire humain dans les pattes, deuxièmement, il accompagne son stagiaire (Cédric) et un ami de ce dernier (Sheldon) dans un camp militaire pour une mise à niveau du matériel (avec des scènes incompréhensibles formidables), troisièmement, il s'arrange pour que Sheldon se fasse accepter par le père de sa bien aimée (Brisène, fille du chef militaire du camp évoqué ci-dessus), avec une explication du mythe d'Excalibur digne de Kaamelott, et dernièrement, le mariage de Sheldon et Brisène, ainsi que la réconciliation du troll et de sa trollesse. Et en plus de ça, tout au long de ces différents actes, notre troll doit gérer les nains de son équipe, ce qui n'est pas de tout repos, avec un conflit de génération entre les nains à l'ancienne et ceux qui sont convertis à la doctrine des humains.
Ça fait vraiment du bien de rire autant pendant une lecture, qui en plus de ça reste très intelligente et propose divers niveaux de lecture ainsi que des références nombreuses et variées. Et en plus de ça, Jean-Claude Dunyach m'a confié qu'il avait fait pire pour la suite (en espérant qu'aucune créature magique n'ait souffert pendant l'écriture de ce deuxième opus). J'ai hâte de le lire !
Un océan de pages