Après avoir bien apprécié ma découverte du troll de Jean-Claude Dunyach (L’instinct du troll), j’avais raté le deuxième rendez-vous, sans doute trop proche du premier (L’enfer du troll). Il me fallait me rattraper. C’est chose faite avec cette dernière aventure de notre troll préféré. L’empire du troll mélange avec brio l’humour et le sombre, le profond et le léger.
Le capitalisme et ses ravages
Le troll s’inquiète. Il a retrouvé sa place, sa grotte, son bureau avec son nom en lettres dorées à l’or fin. Ses collaborateurs se font un plaisir de laisser sur son bureau des dizaines de pierres précieuses à grignoter. Presque trop. C’est ça : tout va trop bien, tout le monde en a un peu trop. Quelque chose doit se cacher là-dessous. Mais quoi ? Et mener une enquête quand votre principal suspect s’enfuit au fond d’une série de boyaux inextricables, ce n’est pas facile.
Quand, en plus, on apprend que sa douce a des problèmes financiers catastrophiques, on sait que décidément, « quand on touche le fond, il faut se mettre à creuser » (un des nombreux aphorismes qui émaillent ce roman). Car la trollesse a eu des envies de grandeur. Habilement (ou pas) conseillée, elle a voulu s’agrandir. Résultat : les banques vont saisir son salon. Le troll doit lui venir en aide. Mais comment ? Peut-être en réalisant le plus grand casse du monde : braquer le plus vieux et le plus riche des dragons.
La troupe est de retour
Pour réaliser ce plan, rien de tel qu’une équipe qui se connaît bien. On a donc droit aux retrouvailles, tout sauf enthousiastes, de ceux qui ont appris à se connaître et ont fini par se supporter. La plupart du temps. Et les voilà partis pour un braquage avec plan et anicroches. À la sauce Dunyach, bien évidemment. Par exemple, savez-vous que dans son monde, trouver les dragons et leurs trésors sont faciles ? Les syndicats d’initiative proposent une carte avec itinéraires et conseils. Par contre, on n’est pas certain de la qualité du matériel, car peu d’aventuriers reviennent afin de clamer leur satisfaction. C’est fou comme un dragon peut se montrer méfiant.
Mais le plus grand danger vient… des avocats. Décidément, l’auteur a une dent contre eux. Et, à le lire, on ne se demande pas pourquoi. Ils ont réponse à tout dans un seul but : leur propre profit. Le monde doit se plier à leur magie. Et tout le monde est à leur merci. Même le troll. Sauf s’il parvient à utiliser son intelligence (celle qu’il est censé ne pas posséder) pour se montrer plus rusé que son ennemi rusé. Pas évident.
De l’humour, certes, mais assez noir
La tonalité de L’empire du troll est joyeusement foutraque et les plaisanteries et jeux de mots s’enchaînent. J’ai retrouvé ce que j’avais aimé dans le premier roman et ce que j’apprécie chez Pratchett : l’auteur propose une histoire qui tient la route, tout en me faisant sourire. Voire rire. [...]
Cette dernière citation nous amène au côté plus sombre, plus sérieux de ce roman. Car la dénonciation de certains travers de la société, déjà présente dans les précédents récits, culmine dans celui-ci. Sans se montrer lugubre ni donneur de leçon, Jean-Claude Dunyach dresse un portrait désabusé d’une société guidée par l’argent, lui-même symbole de vide absolu : « Le trou est une richesse inépuisable, qu’on a sous-exploitée pendant des siècles ». Tout le monde court vers le néant, persuadé que c’est le but ultime. Message toujours d’actualité dans notre société d’hyper-consommation. Et qui donne une force supplémentaire à L’empire du troll, distrayant et en même temps source de réflexion.
Je suis soulagé. Je quitte le troll sur une note positive. Malgré son humeur maussade, il a su me faire sourire et m’entraîner dans ses aventures. J’ai adoré retrouver la petite bande. Et le personnage de l’avocat m’a été détestable à souhait. Une superbe note sucrée, légèrement douce amère pour terminer un cycle. Parfait !