Le troll n’a pas nécessairement bonne réputation. Il est grand, assez laid selon des critères humains, et on ne peut dire qu’il brille par son intelligence. [...] C’est donc une sacrée gageure d’en faire le personnage principal d’un récit. Ou plutôt de quatre récits, puisque Jean-Claude Dunyach, dans ce recueil, nous narre quatre aventures de son troll.
Du troll en général
Si l’on s’appuie sur la bible du bestiaire de la fantasy, j’ai nommé, Le Seigneur des anneaux, de sa majesté J.R.R. Tolkien, le troll est effectivement une grande bestiole assez hideuse. [...] Et Jean-Claude Dunyach n’a pas vraiment dévié du canon littéraire. Son personnage central correspond, physiquement, à la description : grand, massif, solide. Pour ce qui est des capacités de raisonnement, là, on s’écarte un peu. Car si il répète régulièrement qu’il est censé être stupide et qu’il réfléchit peu, ses actions dénotent un bon sens certain et je le trouve plutôt astucieux dans pas mal de cas.
De l’humour en particulier
Et c’est tant mieux, car l’auteur français n’a pas pour but d’apporter une pierre supplémentaire à l’univers de l’anneau sacré. Il lorgne bien davantage du côté d’un autre monstre britannique de la littérature de l’imaginaire : Terry Pratchett. Car notre troll ne baigne pas dans une fantasy de bon aloi. Non, il vit dans une mine gérée selon les principes de la bureaucratie kafkaïenne. Il doit remplir des paperasses à n’en plus finir, tenir ses objectifs, fournir de beaux bilans. Bref, le cauchemar qui hante beaucoup d’entre nous. Et comme il est particulièrement obtus dans ce domaine, son N+1, pour le punir, lui inflige la punition ultime : un stagiaire. Et pour corser le tout, il s’agit du neveu de son supérieur hiérarchique. Ainsi commence « Respectons les procédures », premier récit de ce recueil. Les trois autres textes, « La taille a son importance », « L’instinct du troll » et « Ou se taise à jamais » suivent l’histoire. Et on a finalement presque un roman avec quatre chapitres assez unis dans le ton et la narration.
Mais revenons au début : Terry Pratchett. Si l’on part dans la lecture de L’instinct du troll avec dans la tête ce modèle absolu, la déception viendra inévitablement. Difficile de se mesurer au maitre. Et, était-ce le but ? L’humour de Jean-Claude Dunyach prête davantage au sourire qu’aux francs éclats de rire. Mais cela fait néanmoins sourire. Et, mordiou, ce n’est pas si mal. En tout cas, c’est ce que j’attendais. Et c’est ce que j’ai obtenu. [...] L’auteur joue, bien entendu, sur le décalage entre nos attentes devant la situation décrite et ce qu’il nous propose. C’est souvent prévisible, mais souvent aussi amusant. Voire attendrissant.
Un troll sympa
Car il est plutôt réussi, ce troll, dont on ignorera le nom jusqu’au bout. Il a des préoccupations semblables aux nôtres : faire son boulot, mais ne pas se laisser déborder par le travail ; boire jusqu’à en avoir très mal au crâne (attention, l’abus d’alcool, tout ça, tout ça) ; supporter difficilement les innovations venues d’en haut, censées lui faciliter la vie et qui ont plutôt tendance à la lui compliquer ; accessoirement trouver une compagne à son goût et qui le trouverait agréable. Une vie normale, quoi ! Malgré quelques petites différences. Dont une furieuse tendance à vouloir régler tous les problèmes par la violence… Quoique, en y réfléchissant bien, c’est très humain aussi, ça, comme comportement. Bon, vous l’aurez compris, il est très attachant, ce troll.
Et l’alchimie de ce recueil, [...] remplit parfaitement son office. Distraire. Sortir des préoccupations quotidiennes. Faire rêver et sourire. L’instinct du troll est un moment hors du temps, une bulle de bien-être aux couleurs irisées. Une chouette découverte.