Enquêter sur son propre meurtre n'est pas donné à tout le monde. Rien d'impossible cependant pour Ronan Dooley : il est un amortel, revivifié dans une nouvelle enveloppe corporelle chaque fois qu'il meurt. En près de deux cents ans de "vie", il en est à sa neuvième incarnation, mais c'est la première fois que l'agent du Secret Service américain est la cible principale d'un assassinat, plutôt qu'une victime collatérale. Si on ajoute la sanglante mise en scène et la diffusion en masse du snuff-movie de sa mort, Ronan est suffisamment énervé pour ne pas lâcher l'affaire avant d'avoir fait payer le coupable. Entre les retrouvailles impromptues avec sa descendance, les relations plus que délicates avec son boss et les vérités dérangeantes qu'il va se voir révéler, c'est une enquête pour le moins difficile qui attend Ronan...
Sans temps mort, le roman de Matt Forbeck rentre directement dans le vif du sujet. On découvre un futur pas si lointain par le point de vue d'un homme de notre époque, qui a survécu à ses contemporains ; c'est par le biais de ses souvenirs et réflexions que l'on va comprendre la situation et la réalité du nouveau monde dans lequel il vit. C'est cependant avant tout un roman d'action : on ne compte plus les balles qui volent (ou même les roquettes), les crashes de véhicules ou les enlèvements, tout cela bouclé en quelques jours à peine.
Le personnage central, Ronan Dooley, est très réussi. Depuis la mort de ses proches, il ne vit plus que pour son travail : la protection rapprochée de personnalités, il adore, surtout que ça lui permet d'assouvir régulièrement une pulsion de mort récurrente. Parce que ce n'est pas vraiment facile, de survivre à sa femme, son fils, ses petits-enfants... Sans vraiment l'avoir voulu, Ronan a traversé les décennies, devenant au bout du compte un être solitaire qui s'accroche à ses souvenirs. A travers des moments très personnels, on le découvre très touchant, bien loin du monsieur-je-fonce-dans-le-tas-sans-me-soucier-de-rien qu'il peut sembler dans les moments d'action intense. Quelques personnages secondaires ont également un peu de consistance. On a ainsi droit à des dialogues mordants, des moments de tension intense lors d'affrontements...
Pour ceux qui veulent aller au-delà du simple thriller futuriste, les pistes de réflexion lancées par l'auteur ne manquent pas. Si les idées de base ont un petit relent de déjà-vu (pour ma part, je n'ai pu manquer de penser à la Cybione d'Ayerdhal, ou au film The Island), elles permettent quand même de retrouver des thématiques très intéressantes : les inconvénients et dérives possibles de l'immortalité, l'éthique du clonage, le problème de l'identité lorsque quelqu'un est copié encore et encore...
J'ai beaucoup accroché à ce roman très sympa, et j'espère avoir l'occasion de lire d'autres ouvrages de cet auteur prometteur.
Soleil (17/02/2012)