Quel roman incroyable ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu de la bonne SF, à la fois addictive et terriblement bien construite. Le monde créé par Dmitry Glukhovsky tient merveilleusement bien la route : le pavé se lit d’une traite tant on a envie d’en connaître les règles, de découvrir la station suivante …
A la fois roman de science-fiction, thriller et horreur, l’auteur décortique le fonctionnement d’une société humaine confrontée à des conditions de vie atroces. Son génie est de proposer un monde déjà installé : cela fait 20 ans que les hommes se sont intégrés et ont fait naître les premières générations d’enfants qui n’ont connu que le métro. En bref le sujet n’est pas leur adaptation mais leur survie, et surtout l’avenir possible. Coincés entre les « Noirs », de redoutables zombies, et les animaux monstrueux du métro, on en vient à douter que l’espèce humaine puisse survivre ici. Et c’est tout le propos de l’auteur, qui montre finalement que l’homme a été dépassé par ce qu’il a lui-même créé, et que de nouvelles espèces sont apparues, bien plus adaptées à ce nouveau monde.
Chapeau en passant à la scène dans la Bibliothèque où l’on découvre des bibliothécaires zombies atroces, qui m’ont fait froid dans le dos.
Mais ce qui m’a surtout plu, au-delà de l’aventure d’Artyom en soit, est la description de chaque station qui a reconstitué les divers aspects de l’ancienne société humaine. Tout est à reconstruire et donc les idéologies fleurissent de nouveau : on découvre une station de néo-nazis qui veulent conquérir le monde du métro, une station de communistes, et même une station d’illuminés chrétiens persuadés que c’est une épreuve de Dieu pour les hommes … Glukhovsky excelle dans la capacité à décrire toutes ses nouvelles micro-sociétés qui semblent pourtant dérisoire face à l’ampleur de l’effondrement de la société.
Au final, les personnages en eux-mêmes ont peu d’importance : le personnage principal c’est le métro, qui a sa propre vie ses propres codes et fait ce qu’il veut de ses habitants, les poussant à s’entretuer ou les rendant fous. Artyom reste cependant attachant : grâce aux livres qu’il a lus, il garde espoir et s’efforce de voir la lumière en chaque personne qu’il rencontre. A travers ses yeux naïfs, on découvre le seul monde qu’il connaît, donc pas si laid, et ses rencontres le poussent à croire encore en l’humanité : « Celui qui trouvera en lui-même assez de patience et de courage pour scruter toute sa vie les ténèbres sera le premier à y apercevoir un éclat de lumière. »
Sous couvert d’un roman futuriste, il nous interroge donc bien sûr sur notre société présente, sur ce qu’elle peut devenir … Et au XXIe siècle, une destruction atomique ne semble pas être tant que cela de la science-fiction.
« Qu’avez-vous fait de ce monde ? De mon monde ? Comment avez-vous pu assumer la responsabilité de le réduire à néant ? La Terre n’a jamais porté pire mal que votre civilisation mécanique, cette civilisation qui opposait à la nature des machines inanimées ! Cette civilisation qui s’est évertuée à écraser, bouffer et digérer le monde, mais qui a fait le pas de trop qui l’a menée à sa propre destruction … Votre civilisation est un cancer, une amibe gigantesque qui absorbe tout ce qui est utile et nourrissant pour ne rejeter que des déchets empoisonnés et puants. «
Un roman glauque et flippant mais un roman essentiel, qui m’a fait énormément réfléchir, et dont je dévorerai à coup sûr les deux tomes suivants, 2034 et 2035.