Cet hiver, je vous ai parlé ici même de Faunes de Christiane Vadnais , conseillé par Ghilaine à la librairie La maison des feuilles , à Montréal. Ce n'est pas le seul roman publié outre-Atlantique dont nous avons acquis les droits. Le premier livre de notre rentrée littéraire est le deuxième : Méduse de Martine Desjardins.
Sa langue, à la fois scrupuleuse et fougueuse, m’a happé dès la première page ; elle manie l’humour noir, use de mots rares, qu’elle s’amuse même à déformer. Dans cet ouvrage tellement finement brodé littérairement, qu’on ne peut en manquer un mot ni un propos, Martine Desjardins, tout autant que Méduse, nous prend dans ses filaments.
Affublée d’une anomalie aux yeux, honte de sa famille nantie, la narratrice reçoit le sobriquet de Méduse lors d’une visite à l’aquarium avec ses sœurs : « Ta tête est comme une cloche, tes cheveux sont des tentacules, et tes yeux sont des gonades ! » Mais, surtout, elle doit cacher son regard aux yeux de tous, n’osant elle-même se regarder.
Méduse finit par être abandonnée à l’Athenæum, un institut pour jeunes filles mal formées construit au bord d’un lac infesté… de méduses ; dans cet endroit sinistre, les recluses doivent se soumettre aux cruautés de notables appelés « bienfaiteurs ». D’abord reléguée au statut de bonne à tout faire, Méduse n’a de cesse d’accéder à la bibliothèque des lieux, seul moyen pour elle de s’ouvrir à la connaissance du monde.
À force de ruse et de prise de conscience des pouvoirs de ses globes oculaires, qu’elle se garde bien de dévoiler, elle devient la préférée de ces « vieux riches », immatures et cruels, qui au final paieront cher leurs vices. La réponse de Méduse n’est pas que cruauté et vengeance, même si elle ne s’en prive pas ; c’est une prise de pouvoir sur elle-même et sur le monde : la honte doit changer de camp.
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