[...] Némar est notre guide dans cette histoire. La jeune fille est fascinée par les mots, en colère contre ces envahisseurs qui ont massacré ceux qu’elle chérissait, et détruit toute une culture. Mais elle est aussi un esprit vif et curieux, avide d’apprendre, qui devra accepter sa force. Ansul est un personnage à part entière, qu’Ursula K. Le Guin nous donne à voir, à sentir, à aimer, dans toute sa diversité et sa poésie. Les Alds sont les chantres de l’obscurantisme et du fanatisme religieux, que l’autrice nous raconte, sans juger. Elle nous permet de les comprendre, du moins certains d’entre eux, comme leur chef, Ioratth, à la complexité très intéressante.
Les thèmes qui traversent le roman sont profonds, et graves : la colonisation et la destruction de l’autre, le dogmatisme religieux, la question de la légitimité de la violence. L’autrice a l’intelligence de les aborder de côté, dans un récit savoureux, où se sont les personnages qui nous donnent à voir et à réfléchir.
Voix est un hommage vibrant à la force de la parole, à la littérature, à la liberté, à la révolte et à la paix. Il parvient même à concilier ces deux éléments, grâce au pouvoir des mots, de la réflexion, de la mémoire. Voix est aussi, et surtout, une magnifique histoire, portée par des protagonistes fascinants, complexes, dans un décor profondément vivant, où l’écriture fluide et poétique d’Ursula K. Le Guin donne toute sa mesure.
Sylvie Gagnère