Que ce soit le titre Subtil béton, le nom du collectif qui a écrit ce roman Les Aggloméré·e·s ou encore la couverture, la curiosité ne peut que vous titiller quand au contenu de cette parution L’Atalante… D’autant plus que le titre est complété par une carte IGN de la zone !
La France telle que nous l’avons connu a définitivement disparu des radars dans Subtil béton. Il n’aura finalement pas fallu grand chose pour faire basculer notre société des Lumières dans un rejet de l’autre majeur… Car la France a quitté l’Union Européenne et même, elle a changé son nom en Franco, une société ultra-excluante où tout semble fait pour que la peur soit le quotidien.
Comme une évidence, un mouvement de protestation a voulu protéger nos valeurs et renverser ce nouveau gouvernement. Mais la répression sera violente, comme le vivra Zoé, lycéenne, qui perdra des proches dans la manifestation. Une répression violente au-delà de l’imaginable, qui aura pour conséquence un grand froid sur les participants, tuant définitivement la révolte.
L’autoritarisme a gagné… L’état devient totalement sous contrôle policier, grâce à tout un tas d’outil, notamment les combis qui permettent de savoir à tout moment ce que chacun fait et où il se trouve.
Mais, si la révolte a été matée, cela ne veut pas dire pour autant que les révolutionnaires acceptent cette nouvelle société : et c’est bien l’objet de ce roman, de comprendre ce qu’il va rester de ce mouvement et de quelle(s) façon ils vont se projeter dans ce qu’est devenue la France.
Chacun des personnages que nous allons suivre a vécu à sa façon les émeutes de 2037 et en ont tiré des conclusions différentes. Certain·e·s ont fait le choix de faire comme s’ils étaient rentrés dans le rang, essayant à leur niveau de contribuer à aider les plus faibles pendant que d’autres décident de se mettre en marge de la société, refusant toute forme de compromission vis-à-vis du nouvel ordre.
Il n’est donc pas ici de suivre une forme de revanche mais bien de voir ce qu’il reste après. Comment chacun·e va continuer de vivre dans une société qu’ils ne veulent pas ; de quelle façon, toutes ces personnalités, et leur histoire, vont pouvoir former ce qui reste un collectif.
Page après page, nous découvrons que la désignation d’un coupable, l’étranger, n’a pas pour autant amélioré la situation des concitoyen·ne·s de Franco : insécurité, violence policière, harcèlement, mal logement restent omniprésents.
La force de ce roman est la mise en avant des relations humaines, dans l’acceptation de la vie commune pour des personnes aux visions et à la vie différentes. Le récit montre les compromissions, le mal-être issu aussi de ceux et celles qui ont accepté de rentrer peu ou prou dans le rang.
La forme du récit pourra surprendre par les choix ou plutôt le non-choix d’une écriture inclusive. Entendez par là, et en fonction des chapitres, la forme n’est pas la même, certaines fois, l’inclusion est portée par la féminisation en majuscule (condamnéEs), d’autre fois, le point médian (· ou ALT+0183 pour ceux et celles qui ne connaîtraient pas) voire l’apostrophe et je crois même avoir vu des parenthèses (mais à confirmer).
Cela peut s’expliquer par le fait qu’à chaque personnage correspond sa vision de l’inclusion ou peut-être plus simplement par le fait que Subtil béton est le résultat d’un travail collectif qui a duré sur plus de 15 ans (voire le post-face). Toujours est-il que, même pour des personnes qui n’ont aucun problème avec l’écriture inclusive, cela peut déstabiliser et gêner… Dans les premiers temps car une fois parti·e·s, cela reste anecdotique.
Alors, ce récit étonne par son anticipation, par la description d’une situation qui, au début de l’écriture en 2007, était moins marquée. Je ne suis pas en mesure de dire quel(s) chapitre(s) date de quelle(s) période(s) : il n’en reste pas vrai que la situation décrite et promise en 2037 ne semble être que la conséquence d’événements et d’un repli de la société qui n’est plus de la fiction.
A méditer pour les prochaines semaines.