Je n'avais jamais lu de livre comme Subtil béton. Déjà parce qu'il n'est pas fréquent de lire un roman écrit pendant quinze ans, par un collectif d'une cinquantaine de personnes. Et aussi parce que Subtil béton raconte une histoire différente de celles habituellement proposées par la fiction d'anticipation. On croit d'abord assister à une révolution : Zoé, lycéenne, se rebelle dans une France qui étouffe sous un régime fasciste (aux idées malheureusement pas très éloignées de notre climat politique actuel). Pourtant, très vite, on passe à la suite. Subtil béton n'est pas l'histoire d'une insurrection victorieuse, mais de son échec et de l'après. On y rencontre toute une galerie de personnages, des gens paumé·es, en colère, défaitistes, optimistes, blessé·es, solidaires, égoïstes, qui n'ont jamais connu d'autre réalité, ou qui espèrent revenir en arrière et tout oublier. Rien n'est simple. Tout vaut le coup d'être raconté.
Subtil béton est un ovni, avec ses bons et ses mauvais côtés. Les changements de style de chapitre en chapitre sont déroutants, l'intrigue s’essouffle parfois un peu. Il n'est sans doute pas évident d'écrire à une centaine de mains. Mais cela reste une performance collective impressionnante, à l'image des luttes que le livre célèbre, et j'ai été happée par les petites et les grandes histoires déroulées au fil des pages. C'est un roman à part, dur et doux, féministe, qui pose une question rarement posée : que fait-on quand la révolution n'arrive jamais ?
Lucie Ronfaut