Le récit d'anticipation et celui de la dystopie ont toujours plus ou moins flirtés ensemble, dans une danse à la chorégraphie aussi incertaine que l'avenir de nos sociétés. Si d'un côté, on imagine des futurs possibles, de l'autre on imagine d'impossibles enfers. Les deux ont pour autant le même point commun : comprendre les mécaniques de nos sociétés contemporaines et user de ses enjeux pour envisager des solutions et alternatives.
Ainsi, Subtil Béton, roman réalisé par le collectif des Aggloméré.e.s, s'insère dans ses deux thématiques en embrassant autant le conflit d'une poignée d'individus face à l'oppression politique que le questionnement de ce qui fait notre actualité quotidienne.
Car Subtil Béton est le récit de l'après-lutte, ce sillon déprimant où l'espoir semble s'être envolé avec les idéaux d'un combat contre l'état policier. On évolue aux côtés de jeunes, de vieux, de trans, de femmes et d'hommes de tout horizons désireux de reprendre le flambeau, afin de réaliser un projet utopique : vivre à nouveau, loin de la pression d'un gouvernement devenu dictatorial.
En récit choral qu'il est, Subtil Béton alterne les points de vus, modulant sa narration et sa ponctuation en fonction des personnages, introduisant au passage une démasculinisation absolue de tous les termes qui le sont d'ordinaire.
Loin d'être tenu à un rythme intense, ce roman d'anticipation rafraîchissant par bien des aspects trouve son sel dans ses moments de calme avant la tempête, alors qu'en secret se fomente des plans... Sa large palette de personnages permet à tout un chacun de s'identifier à ces individus, à leur crise personnelles et à leurs ambitions politiques, sans pour autant les rendre caricaturaux.
Œuvre collective qui en a dans les tripes, Subtil Béton est un très bel ouvrage venu s'échouer dans les filets des éditions Atalante, dans une version poche ou grand format.