En ce VIIIe siècle, la route reliant Bagdad à Samarkand est bloquée. Depuis une cinquantaine d’années, les vastes étendues désertiques entre les deux villes sont envahies par les djinns. Entre les humains et ces créatures magiques, la guerre fait rage mais semble avoir atteint un statu quo. À Samarkand, Tarik al-Jamal, fils de contrebandier et contrebandier lui-même, a renoncé à son activité depuis la disparition de son amour, Maryam, enlevée par un prince des djinns. Désormais, Tarik vivote en participant à des courses de tapis volants – sport illégal auquel il excelle. Lorsque la mystérieuse Sabatéa lui demande de le mener à Bagdad à dos de tapis, Tarik refuse tout net. Mais il ne peut s’empêcher de partir sur la piste de son frère cadet, Junis, qui, pour sa part, a accepté l’offre de la jeune femme. Qu’importe si Junis et lui s’adressent à peine la parole et se haïssent cordialement depuis la disparition de Maryam, et que la route jusqu’à Bagdad soit truffée de dangers : Tarik va tout faire pour éviter à son frère le même sort qu’à Maryam. En chemin, il en apprendra davantage sur les djinns, leur nature, et les raisons qui les ont poussés à entrer en conflit avec les humains.
Kai Meyer, auteur allemand prolifique (une cinquantaine de romans publiés outre-Rhin) et plutôt actif au rayon jeunesse (deux trilogies ont été traduites en français aux éditions du Rocher, une troisième dans la collection « Le Maedre » de L’Atalante), s’adresse ici à un lectorat plus âgé, et nous propose un roman de fantasy arabisant. Foin de dragons, d’elfes et de nains, mais aussi, plus surprenant vu le contexte, de génies en lampes à huile – ce n’est pas exactement les Mille et une nuits. De fait, Le Pays des djinns prend place dans un monde semblable au nôtre, volontiers glauque, où existe la magie, et peuplé d’un bestiaire original. Autant d’éléments à même, en principe, de convaincre le lecteur rétif à la sempiternelle fantasy « de base » ayant pour cadre le moyen-âge européen, et l’on pardonnera ainsi l’intrigue relativement classique. De fait, menée tambour battant, l’histoire se lit d’une traite, avec son lot de péripéties et de surprises, rehaussée par des personnages volontiers cachottiers et ambigus – du tourmenté Tarik au surprenant Fou aux Cicatrices.
Pur roman d’aventure, Le Pays des djinns offre ainsi un divertissement de très bonne tenue, des plus plaisant à suivre, et lorsqu’arrive la dernière page, on ne peut que souhaiter lire la suite. Heureuse coïncidence, La Guerre des vœux, deuxième volume de la trilogie, sort en librairie en même temps que le présent Bifrost.
Erwann Perchoc
Bifrost N°76