Le Démon de maître Prosper est une novella fantastique et horrifique dans lequel un narrateur bien particulier nous raconte sa vie de chasseur de démons. Car dans cet univers aux contours assez flous, mais qui correspond à notre monde à une époque qui se rapproche de la Renaissance, les démons existent et prennent possession des humains. C’est ce qui va arriver au nouveau-né de la Duchesse d’Essen qui a été possédé par un démon, ennemi de longue date de notre narrateur. Problème pour notre narrateur, les exorcismes qu’il pratique entraîne la plupart du temps la mort de l’hôte. Alors comment combattre un démon qui a pris possession du corps d’un prince sans risquer sa propre vie en répercussion ?
C’est le sujet de cette novella dans laquelle notre narrateur à la verve naturelle va nous raconter le plan machiavélique qu’il a monté pour surmonter cette difficulté. Le récit est rempli de digressions sur la vie de notre narrateur qui nous apprennent les combats qu’il a déjà menés contre ce même démon et nous permettent d’en savoir plus sur la nature de ces démons. De plus, le plan du narrateur est loin d’être direct et nous emmène dans différentes directions et notamment à la rencontre du plus grand savant de l’époque, Maître Prosper, une figure qui fait penser à Léonard de Vinci, à la fois ingénieur, artiste, mathématicien, philosophe… Et Maître Prosper a justement un nouveau projet artistique d’envergure auquel notre narrateur va participer. La finalité du plan de notre narrateur ne se dévoilera que dans les toutes dernières pages offrant un dénouement détonant et spectaculaire à la novella que j’ai trouvé très réussi.
Le démon de maître Prosper est un récit volontairement flou qui nous emmène dans l’esprit perturbé et fluctuant du narrateur. Comme vous pouvez le voir, ce narrateur ne se nomme jamais et sa description physique reste également très vague. C’est la même chose pour les démons qui sont simplement nommés via un article « Il », « Elle » ou encore « Eux » et dont la description physique est changeante selon les personnes qui les rencontrent. Le flou est également entretenu à travers le récit entrecoupé de flash-back, de digressions et de discussions philosophiques et artistiques. L’absence de linéarité et le fait que beaucoup de choses sont suggérées sans être dites mettent le lecteur dans une position d’inconfort. On est plongé dans un monde que l’on a du mal à comprendre et dans lequel les notions de bien et de mal sont remises en question. Car la question du bien et du mal est au centre de ce récit. Le narrateur que l’on suit est censé appartenir au bien et être l’ennemi du mal représenté par les démons. Et pourtant il avoue lui-même que cela est trompeur. Véritable anti-héros, le narrateur possède une âme bien noire, il est sans scrupule, antipathique et est bien loin de la figure qu’on peut imaginer du bien. À l’inverse, le mal que peuvent faire les démons dans cette novella n’est pas clair, il est question d’un objectif maléfique sur le très long terme, mais à l’échelle d’un être humain, il est difficile de vraiment comprendre l’impact négatif de ces démons. Les barrières du bien et du mal sont ainsi intelligemment remises en question.
J’ai finalement beaucoup aimé cette novella, le ton du récit volontairement cru et cynique du récit, la manière dont l’intrigue nous mène en bateau, les réflexions sur le bien et le mal et le final spectaculaire m’ont convaincue. [...] Cependant, c’est le genre de final qui marche parfaitement pour un format court et j’espère que le deuxième tome viendra étoffer l’univers.