En juillet dernier, j'avais partagé avec vous mon enthousiasme pour La longue Terre de Terry Pratchett et Stephen Baxter. La suite, La longue guerre, est tout aussi passionnante. Les auteurs nous projettent une dizaine d'années plus tard : une partie de la population a émigré sur les innombrables Terres parallèles, adoptant en toute liberté de nouveaux modes de vie qui leur conviennent, parfois en vivant au même endroit sur plusieurs planètes contiguës, développant à la fois une technologie de pointe (car il faut faire sans le fer qui ne peut traverser, ce qui donne par exemple des flottes de dirigeables non ferreux à l'exemple du Mark Twain de La longue Terre) et une économie de cueilleurs-chasseurs, une vie souvent proche de celles des pionniers de l'ancien Ouest américain. C'est le cas de Josué Valienté que nous retrouvons marié à Helen Green, avec un fils, vivant dans la commune du Diable-Vauvert, sur une Terre éloignée de la Terre 0. Il s'y trouve fort bien quand sa vieille amie Sally Linsay, qui a conservé son mode de vie d'éternel vagabondage entre les mondes, vient le convaincre de venir sur Terre car la situation est grave. Le président américain a décidé de reprendre les choses en main et d'assurer la prééminence des Etats-Unis Prime sur tous les territoires habités leur correspondant à l'infini, en levant des impôts et en envoyant une flotte de dirigeables militaires dernier modèle visiter les "colonies". Bien entendu les colons ne l'entendent pas de cette oreille et cela va donner un "remake" des débuts de l'Indépendance américaine, avec Jack Green parmi les leaders. Nous suivons aussi à travers le roman la grande expédition chinoise d'exploration des Terres orientales, dont le but est d'atteindre au moins les deux millions de Terres, à bord de laquelle se trouve une toute jeune fille à la fois géniale et socialement inadaptée, Roberta. Enfin, se greffe un mystère supplémentaire : les "trolls", ces humanoïdes (ou humains d'un rameau perdu) primitifs qui voyageaient depuis toujours à travers les mondes et avaient plus ou moins acceptés les hommes, ont lancé le grand appel et se retirent de toutes les Terres. Où se réfugient-ils et que fuient-ils ? Bien entendu, Lobsang, le cerveau surpuissant qui dirige Black Industries, se doit de résoudre l'énigme et il partira avec un nouveau venu qu'il a soigneusement choisi, le très intelligent pasteur anglais Nelson Azikiwe qui n'a plus guère la foi. Il sera aidé dans sa tâche par Sally Linsay, Monica Jansson, la policière de Madison (Wisconsin) dont nous avions fait la connaissance précédemment, et quelques autres espèces d'humanoïdes lui montreront les pistes, comme les "kobolds" qui commercent avec nous, ainsi que par la très humaine et compréhensive capitaine du "Benjamin Franklin", Margaret Dianne Kauffman (Maggie), qui sera la première à intégrer des trolls à son équipage militaire.
Comme toujours avec Stephen Baxter, cela nous donne un roman d'une densité et d'une intelligence impossible à résumer, qui, sous des apparences de roman d'explorations et d'aventures de SF brillante, pose un certain nombre d'interrogations fondamentales sur la nature de l'univers, celle de l'intelligence, celle des origines et de l'évolution de l'Homo sapiens, ce qu'est la vie (à travers le personnage attachant de soeur Agnès, la nonne qui avait élevé Josué, et qui était morte...) tout en étudiant les conséquences économiques, sociales, culturelles et sociétales d'une abondance soudaine et inépuisable. Le ton est plus grave que dans le premier volume car la société a évolué et ce n'est plus la joie folle des premières années : le temps a passé, il faut s'adapter et tirer les conséquences d'une situation totalement inédite - ce qui est fait très finement en nous montrant l'évolution personnelle de tous les personnages de "La longue Terre" et en en introduisant de nouveaux dont nous découvrons le passé. Au risque de me répéter, voici un roman de SF superbe, à lire après le précédent afin de l'apprécier à sa juste valeur.
Jean-Luc Rivera
Pratchett/Baxter - La longue Guerre - Rivera
En juillet dernier, j'avais partagé avec vous mon enthousiasme pour La longue Terre de Terry Pratchett et Stephen Baxter. La suite, La longue guerre, est tout aussi passionnante. Les auteurs nous projettent une dizaine d'années plus tard : une partie de la population a émigré sur les innombrables Terres parallèles, adoptant en toute liberté de nouveaux modes de vie qui leur conviennent, parfois en vivant au même endroit sur plusieurs planètes contiguës, développant à la fois une technologie de pointe (car il faut faire sans le fer qui ne peut traverser, ce qui donne par exemple des flottes de dirigeables non ferreux à l'exemple du Mark Twain de La longue Terre) et une économie de cueilleurs-chasseurs, une vie souvent proche de celles des pionniers de l'ancien Ouest américain. C'est le cas de Josué Valienté que nous retrouvons marié à Helen Green, avec un fils, vivant dans la commune du Diable-Vauvert, sur une Terre éloignée de la Terre 0. Il s'y trouve fort bien quand sa vieille amie Sally Linsay, qui a conservé son mode de vie d'éternel vagabondage entre les mondes, vient le convaincre de venir sur Terre car la situation est grave. Le président américain a décidé de reprendre les choses en main et d'assurer la prééminence des Etats-Unis Prime sur tous les territoires habités leur correspondant à l'infini, en levant des impôts et en envoyant une flotte de dirigeables militaires dernier modèle visiter les "colonies". Bien entendu les colons ne l'entendent pas de cette oreille et cela va donner un "remake" des débuts de l'Indépendance américaine, avec Jack Green parmi les leaders. Nous suivons aussi à travers le roman la grande expédition chinoise d'exploration des Terres orientales, dont le but est d'atteindre au moins les deux millions de Terres, à bord de laquelle se trouve une toute jeune fille à la fois géniale et socialement inadaptée, Roberta. Enfin, se greffe un mystère supplémentaire : les "trolls", ces humanoïdes (ou humains d'un rameau perdu) primitifs qui voyageaient depuis toujours à travers les mondes et avaient plus ou moins acceptés les hommes, ont lancé le grand appel et se retirent de toutes les Terres. Où se réfugient-ils et que fuient-ils ? Bien entendu, Lobsang, le cerveau surpuissant qui dirige Black Industries, se doit de résoudre l'énigme et il partira avec un nouveau venu qu'il a soigneusement choisi, le très intelligent pasteur anglais Nelson Azikiwe qui n'a plus guère la foi. Il sera aidé dans sa tâche par Sally Linsay, Monica Jansson, la policière de Madison (Wisconsin) dont nous avions fait la connaissance précédemment, et quelques autres espèces d'humanoïdes lui montreront les pistes, comme les "kobolds" qui commercent avec nous, ainsi que par la très humaine et compréhensive capitaine du "Benjamin Franklin", Margaret Dianne Kauffman (Maggie), qui sera la première à intégrer des trolls à son équipage militaire.
Comme toujours avec Stephen Baxter, cela nous donne un roman d'une densité et d'une intelligence impossible à résumer, qui, sous des apparences de roman d'explorations et d'aventures de SF brillante, pose un certain nombre d'interrogations fondamentales sur la nature de l'univers, celle de l'intelligence, celle des origines et de l'évolution de l'Homo sapiens, ce qu'est la vie (à travers le personnage attachant de soeur Agnès, la nonne qui avait élevé Josué, et qui était morte...) tout en étudiant les conséquences économiques, sociales, culturelles et sociétales d'une abondance soudaine et inépuisable. Le ton est plus grave que dans le premier volume car la société a évolué et ce n'est plus la joie folle des premières années : le temps a passé, il faut s'adapter et tirer les conséquences d'une situation totalement inédite - ce qui est fait très finement en nous montrant l'évolution personnelle de tous les personnages de "La longue Terre" et en en introduisant de nouveaux dont nous découvrons le passé. Au risque de me répéter, voici un roman de SF superbe, à lire après le précédent afin de l'apprécier à sa juste valeur.
Jean-Luc Rivera
Publié le 22 avril 2014