Onzième livre des Annales du Disque-Monde, Le Faucheur est probablement une des plus belles réussites du cycle. Les contrôleurs de la réalité ayant mis la Mort en retraite pour avoir osé développer une personnalité, celui-ci se retrouve désormais simple mortel, destiné à périr. En l’attente d’un successeur jailli de l’imagination des hommes, les morts vivants se multiplient alors.
Comme souvent chez l’auteur, le roman se divise en plusieurs trames. L’une d’entre elles, centrée sur Ankh-Morpork, l’Université de l’Invisible et sur les non-morts du club du nouveau départ apporte sa dose d’humour -tel ce passage sur les rapports entretenus entre le Patricien et les mages- et d’absurde -jamais plus vous ne contemplerez compost ou caddie sans frémir- tout en permettant à Pratchett une dénonciation de la société de consommation.
Si elle voit les premiers pas de quelques personnages secondaires amenés à réapparaître, telle madame Cake, c’est avant tout les mages qui y sont mis en valeur. Ceux-ci, menés par Mustrum Ridculle depuis les Zinzins d’Olive-Oued, y gagnent encore en profondeur. Bien qu’elle ne manque pas de quelques passages enlevés, c’est une autre trame scénaristique qui fait véritablement de ce faucheur un ouvrage marquant. La Mort, sans-emploi dont le temps est dorénavant compté, se retrouvant ouvrier agricole chez mademoiselle Trottemenu, en est l’atout principal permettant à l’auteur d’aborder la question de la mortalité, du temps qui passe mais aussi plus largement des relations entre humains. Il se dégage une mélancolie certaine de plusieurs de ces passages où cette figure éminemment touchante fait l’expérience de sentiments nouveaux.
Le fait que des lecteurs en fin de vie aient, suite aux livres de ce cycle, écrit à son auteur pour le remercier d’avoir rendu la Mort sympathique paraît ici compréhensible et nul doute que ce roman a en cela joué un rôle crucial. Car que peut espérer la moisson sinon les attentions du faucheur ?