John Perry a soixante-quinze ans et vient de s’engager dans les forces de défense coloniale. Il va partir dans l’espace, sans possibilité de revenir un jour sur Terre. De toute façon, rien ne l’y retient alors pourquoi ne pas aider à l’expansion de l’humanité dans l’univers ? John espère aussi (et surtout) que la technologie avancée des colonies lui permettra de retrouver une seconde jeunesse…
J’ai immédiatement été attirée par le postulat de départ et l’idée de suivre un protagoniste du quatrième âge. Pourquoi l’armée recruterait-elle des seniors ? C’est la question qu’on se pose tout de suite à la lecture du résumé. Il y a forcément anguille sous roche. Comme le supposent la plupart des protagonistes, ils disposent bien d’une technologie pour les rendre « aptes au combat » quoi que cela puisse signifier. Attirés par la cure de jouvence promise, ils vont un peu déchanter en se rendant compte que ça implique de laisser son vieux corps derrière soi. Commence alors l’entraînement de John et de la bande des Vieux Cons, comme ils s’appellent. Pas des amis depuis toujours, simplement des gens qui se sont rencontrés en chemin et se sont liés d’amitié dans leur nouvelle vie, en l’espace d’une semaine. J’ai rapidement ressenti des affinités entre ces personnages et l’envie qu’ils puissent se retrouver même si Scalzi n’est pas tendre avec ses lecteurs de ce point de vue là. Je vais y revenir.
Comme son titre l’indique, le Vieil Homme et la Guerre est un roman construit autour de la chose militaire. On suit l’entraînement de John, son évolution dans l’armée, leurs missions et leurs implications morales / psychologiques. Si vous avez un problème avec tout ce qui touche à l’armée, alors Le Vieil Homme et la Guerre n’est pas pour vous. Par contre, si ce qui vous rebute en général dans ce genre littéraire c’est que vous craignez de ne rien comprendre, prêtez-y attention ! John est un type lambda comme vous et moi qui était écrivain. Il n’a aucune notion de physique quantique, n’est pas doué en math et débarque dans ce nouveau monde. Quand il apprend des concepts utiles ou importants pour la suite, on le lui explique en langage simple et je trouve que ce roman constitue une parfaite porte ouverte sur le genre space opera car, sans infantiliser son lecteur, Scalzi se montre très accessible. Chapeau.
Comme toujours, l’univers imaginé par l’auteur ne manque pas d’intérêt bien qu’il revête un aspect assez classique sur le fond. Une partie de l’humanité a quitté la Terre pour coloniser l’espace suite à des guerres entre pays. Ces colonies recrutent des soldats sur Terre mais uniquement parmi le quatrième âge -on apprend plus tard pour quelle raison. Dans leur course à la colonisation, l’humanité a rencontré d’autres espèces, d’autres mondes, et est très souvent entrée en guerre avec eux pour obtenir le contrôle d’une planète. Le concept ne révolutionne pas le genre mais ce qui est intéressant, c’est tout ce que Scalzi apporte dans son background. La manière dont il déconstruit nos préjugés (j »ai adoré la scène des photos aliens à l’académie !). Et surtout, ses personnages.
Sincèrement, John Perry est un protagoniste très agréable à suivre, l’un de ceux que j’ai préféré découvrir chez l’auteur. Le roman étant écrit à la première personne, on s’y attache très rapidement même si ça enlève une partie de la tension narrative car on se doute que rien de définitif ne va lui arriver. John est un homme touchant aux plaisirs simples, qui accepte son destin et se donne au maximum pour aller au bout de ce qu’on lui demande. Il ne manque pas de courage (à moins que ça ne soit de la folie ?) ni de malice. Il se distingue à quelques reprises et son statut de héros lui octroie une chance parfois insolente. C’est peut-être l’unique reproche que j’ai à formuler envers ce roman mais je l’ai tellement aimé que je lui pardonne assez volontiers. D’autant qu’il s’agit de son premier roman ! Quelle qualité, pour un premier texte, j’en suis soufflée.
La narration s’étale sur plusieurs mois, divisés en parties au sein du roman. D’abord tout ce qui précède l’engagement et l’arrivée sur Phénix, puis tout ce qui touche à l’entraînement et enfin l’aspect militaire à proprement parler. D’un chapitre à l’autre, plusieurs semaines peuvent s’écouler et on apprend parfois la disparition d’un des Vieux Cons dans ce laps de temps. John les raconte sans larmoiements inutiles, il reste factuel et ça renforce l’aspect à la fois terrible et inéluctable de la guerre. Chaque fois, j’ai ressenti un pincement au cœur, m’étant attachée au héros et à ses compagnons. Narration efficace donc et déjà bien maîtrisée.
Pour résumer, le Vieil Homme et la Guerre est pour moi une réussite. Il s’agit du premier roman de John Scalzi qui propose un space opera de qualité, très accessible aux novices dans le genre sans pour autant les prendre inutilement par la main. Dans ce premier volume d’une saga qui en comporte six, le lecteur rencontre John Perry, narrateur attachant qui s’exprime à la première personne et nous dessine les contours de cet univers riche en ouvrant des pistes enthousiasmantes pour la suite. Résolument militaire, comme son titre l’indique, l’aspect humain n’est pourtant pas exclu de l’équation, offrant ainsi une belle richesse au texte. Je recommande donc très chaudement la lecture de ce roman ! Ainsi que de tout texte de Scalzi qui reste une valeur sûre.