Premier livre du cycle Les archives des collines chantantes, ce roman de fantasy a remporté le prix Hugo du meilleur roman court 2021 et a été finaliste du prix Locus du meilleur roman court 2021. Après Siren Queen et The chosen and the beautfiul, Nghi Vo nous emmène dans un univers inspiré des contrées asiatiques pour laisser s’exprimer toute une galerie de personnages hauts en couleur. À commencer par l’adelphe Chih, archiviste non-binaire des Collines-Chantantes, accompagné de sa huppe douée de parole, Presque-Brillante.
Nous voyageons à leurs côtés dans leur tâche d’inventorier chaque chose, chaque objet et chaque pièce chargée de souvenir du palais de la Lumière-Éblouissante suite au décès de sa dernière occupante, In-Yo, l’Impératrice du sel et de la fortune. Ils y sont guidés par Lapin, une vieille servante mystérieuse proche de l’impératrice décédée. Elle leur fera part des secrets de ces lieux et des êtres qui y ont vécu au travers du prisme de ses souvenirs.
Ainsi, chaque chapitre devient un véritable tableau vivant. D’abord résumé en quelques lignes à la façon d’un haïku grâce à une poignée d’objets simples, mais emplis de souvenirs. Puis exploré dans ses détails par un narrateur impliqué avec eux, et qui leur donne toute leur dimension symbolique et attachante ou plus grave et sinistre. Tout comme dans les œuvres de Hayao Miyasaki, le personnage qui introduit l’histoire est un enfant évoluant dans un monde coloré à la fois magnifique, empreint de mystères, mais aussi très adulte et effrayant par moment. Chaque figure rencontrée est puissante. Il n’y a plus de personnages secondaires, car tous sont les héros ou les victimes de leur propre histoire. Même la simple vieille servante a son importance, sa personnalité, ses aspirations et ses regrets, donnant ainsi à ce monde miniature une véritable profondeur. Nous nous attachons à chacun d’entre eux comme avec des personnes réelles.
La non-binarité de Chih est représentée en finesse et en douceur, évoquée sans jamais être insistante, comme on le voit encore trop rarement. Enfin, la figure de la femme y est majoritaire. On découvre ici les récits et les caractères forts de ces oubliées de l’histoire, se battant chaque jour pour survivre dans un monde régi par les hommes, risquant d’être condamnées au moindre faux pas, délaissées ou exilées dès que leur fonction est remplie. Épouse de l’empereur ou servante de la plus basse caste, aucune n’est épargnée. Leurs voix sont finalement entendues, inscrites dans l’esprit de Chih et de Presque-Brillante afin d’être transmises de génération en génération pour que jamais leurs histoires ne soient oubliées ou effacées.
En finissant ce roman, même s’il ne s’est écoulé que quelques heures, il nous reste l’impression d’avoir assisté à une vie entière voir plusieurs. On en sort grandit, tout comme l’adelphe que l’on accompagne et qui reprend alors sa route vers la capitale pour le couronnement de la prochaine impératrice…
Marie Albert