Après L’impératrice du sel et de la fortune, les éditions L’Atalante continuent d’explorer l’univers de Nghi Vo et de sa série « Les archives des Collines-Chantantes » avec une deuxième novella qui se déroule dans le même univers et met à nouveau en scène l’adelphe Chih. Membre d’un ordre d’archivistes chargés de compulser tout le savoir du monde, ce dernier (ou cette dernière, puisque son genre nous demeure inconnu, l’adelphe se définissant tour à tour au masculin ou au féminin) entreprend de traverser des montagnes avec pour seule guide une jeune femme montée sur un mammouth. Mais le voyage ne se déroule pas comme prévu, les deux compagnons se retrouvant un soir nez à nez avec trois tigresses. Des félins pas tout à fait comme les autres puisque, outre le fait qu’ils peuvent se métamorphoser en femmes, il se trouve qu’ils sont aussi doués de paroles. Afin de gagner du temps avant l’arrivée de potentiels secours, l’adelphe va se lancer dans le récit de l’histoire de Ho Thi Thao, une tigresse renommée, et de Dieu, une jeune femme qui croisa sa route et dont elle tomba éperdument amoureuse. Tout comme dans la précédente nouvelle de l’autrice, le texte se compose de récits imbriqués et confronte plusieurs versions d’un même événement. Les trois tigresses ont en effet bien des choses à redire à la version de l’histoire telle que retenue par les humains, aussi le récit est-il rythmé selon un régulier va-et-vient à mesure que les tigresses reviennent sur une scène pour ajouter certains détails, ou même en modifient totalement le déroulement. On retrouve ici une partie du charme de L’impératrice du sel et de la fortune : le récit prend rapidement des allures de conte et met en scène des humains confrontés à des forces ou des créatures surnaturelles difficiles à cerner et donc imprévisibles.
La plume de l’autrice est agréable et non dénuée d’une poésie qui renforce l’impression de parenthèse enchantée. La construction narrative est ici ingénieuse, car elle permet de mêler étroitement le récit passé de la tigresse Ho Thi Thao tout en continuant à évoquer le présent et la situation périlleuse de l’adelphe et de son guide. Comme dans le précédent texte, aussi, on retrouve la même violence insidieuse qu’on ne perçoit pas immédiatement car elle est occultée dans un premier temps par les formes que mettent les personnages pour s’adresser les uns aux autres ou par le respect qu’ils portent à certaines traditions. L’univers de Nghi Vo n’est ainsi pas dénué de cruauté, et le récit de cette tigresse insatiable en appétit comme en amour en est la preuve. [...]
Deuxième incursion dans l’univers des « Archives des Collines-Chantantes », Quand la tigresse descendit de la montagne est un joli conte narrant la rencontre entre un/une archiviste et un trio de tigresses métamorphes avec lesquelles iel va se lancer dans le récit d’un épisode de la vie d’une de leur plus emblématique souveraine. [...]