Cette fois-ci, l'adelphe Chih est dans de beaux draps ! Son voyage dans les montagnes avec la guide Si-yu et son mammouth apprivoisé Piluk risque de connaître une fin prématurée entre les crocs de trois femmes-tigresses aussi puissantes que susceptibles. Tout ce petit monde se retrouve coincé dans une étable. Afin de retarder l'inévitable, Chih fait appel à son unique talent et commence à raconter une histoire.
Mais les tigresses ne sont pas un public facile. Elles trouvent beaucoup à redire à la manière dont l'adelphe décrit les amours difficiles de l'érudite Dieu et de la tigresse Ho Thi Thao. Elles décident de lui raconter leur version de cette histoire. Laquelle est la vraie ? Chih le découvrira peut-être, sauf à finir dans l'estomac d'un félin affamé…
C'est toujours un régal de se plonger dans l'univers des Collines-Chantantes. Nghi Vo a un talent inouï pour concentrer en une centaine de pages à peine une myriade d'idées, sans pour autant que le résultat ait l'air bâclé ou précipité. On trouvera ici une cavalerie de mammouths, des tigres qui se changent en femmes et inversement, une maison étrange perdue au fond des bois, des poèmes d'amour…
Comme dans L'impératrice du sel et de la fortune, on trouve ici deux récits entrelacés : celui de Chih (sans son familier Presque-Brillante, snif), plein de tension, et celui de l'histoire que les tigresses et l'adelphe se racontent mutuellement. C'est un canevas qui permet d'interroger astucieusement la nature des récits et leur transmission, puisque les points de vue très différents des deux camps se reflètent dans la manière dont leur version de l'histoire se déroule. Malgré (ou grâce à) ces divergences, on découvre ainsi une histoire d'amour lesbien très touchante, ponctuée de scènes fort bien tournées et très mémorables.
Bref, c'est encore une réussite, tout aussi recommandable que L'impératrice du sel et de la fortune. La prochaine aventure de Chih devrait paraître en septembre prochain chez L'Atalante : j'ai hâte !